Saint Louis Sucre : pourquoi et comment adhérer aux organisations de producteurs ?
Appuyés en ce sens par les syndicats betteraviers de
la région, les planteurs Saint Louis Sucre livrant à Roye-Eppeville et Étrépagny étaient conviés à des réunions d’informations de leurs Scica, qui leur ont précisé le sens
et l’intérêt de leur structuration en organisation de producteurs, les raisons et modalités pour y adhérer.
Que ce soit à la réunion de Carrépuis ou celle d’Eppeville, Dominique Fievez, président du Syndicat betteravier de la Somme, restituait le contexte de l’après-quota, avec deux années catastrophiques au niveau des prix et le triste constat du non fonctionnement de la CRV (commission de la répartition de la valeur) : «Son seul mérite était d’exister et d’éviter que chaque planteur n’aille négocier son prix auprès de l’industriel. Mais nos marges de manœuvre étaient réduites, pour ne pas dire inexistantes. Même si Saint Louis Sucre reconnaissait la validité de nos arguments, ses dirigeants demeuraient inflexibles. Au final, nous avons acquis la conviction qu’elle ne servait que l’intérêt de l’industriel, qui voulait la manœuvrer dans son sens, et qu’il faut sortir de ce système.»
En effet, au regard des trois premières campagnes betteravières post-quota, les structures à disposition de la profession betteravière permettant théoriquement de discuter des prix et des volumes, CRV et accord interprofessionnel, n’ont pas permis aux planteurs livrant le groupe Saint Louis Sucre d’obtenir des contrats betteraviers équilibrés assurant une détermination de prix de betteraves juste et aux modalités transparentes. En effet, force est de constater que le prix final appliqué est à la fois en carence de transparence sur sa référence au prix SZ4 mais que, de surcroît, il est complémenté à présent d’un supplément de prix qui s’apparente au «fait du prince» en fin de campagne, supplément de prix qui pèse en 2018-2019 près de 25 % du prix final, soit un volant de rémunération beaucoup trop aléatoire. «Les planteurs ne peuvent plus endurer pareille situation», souligne Hans Dekkers.
Et ce n’est pas les premières annonces concernant la campagne prochaine qui vont changer l’état d’esprit des planteurs : l’annonce d’un prix garanti à 23,90 €/t betterave entière (équivalent 25,70 €/t en décolletées) sur 70 % des volumes ne doit pas masquer les effets négatifs, l’obligation d’implantation sur une surface constante, la rémunération totalement opaque sur les 30 % restant… autant d’éléments sur lesquels les planteurs seront dans la contrainte alors que l’industriel gardera la main. Pas d’évolution non plus sur les betteraves excédentaires (forfaitisées à 75 % du prix du contrat, hors supplément). Sans oublier que le prix annoncé intègre les indemnités de campagne, une «prime de réalisation» de 3 € qui est, en fait, une pénalité en cas de non réalisation. Enfin, s’il semble attractif pour des cours du sucre faible, en situation de cours plus porteurs, le prix proposé serait détérioré par rapport au contrat actuel. «Ce que nous proposons à présent pour nous défendre face au groupe sucrier, c’est l’organisation de producteurs, le terme ultime vers lequel peut tendre notre communauté de destin», a conclu Benoît Gerbaux, président de la Scica Roye Déshydratation.
Quel outil pour négocier le prix ?
En effet, suite à l’arrêt des quotas en 2017, l’Europe avait proposé aux planteurs deux modes d’organisation dans un acte délégué, soit un accord interprofessionnel national et une commission de répartition de la valeur ajoutée, ce qui a été mis en place avec l’échec que l’on sait, soit l’organisation de producteurs, option qui semble le mieux à même de répondre aujourd’hui au désarroi des planteurs. Et pour aboutir à des OP opérationnelles rapidement et efficacement, les Sica sont des outils adaptés. Qu’elle soit la Scica Roye déshydratation ou la Sica des planteurs d’Etrépagny, elle est un outil économique et non pas syndical dont l’objet est de négocier, pour le compte de ses adhérents, les conditions de volumes, de prix, et les autres modalités contractuelles, avec l’industriel. Les deux présidents, Benoît Gerbaux et Alexis Hache, vont donc à la rencontre des planteurs pour préciser, si besoin était, le sens de leur démarche et les aspects pratiques.
La Scica de Roye avait, pour sa part, une raison de plus de réaliser cette mue : en ne renouvelant pas son bail emphytéotique, Saint Louis Sucre prendra possession de l’atelier de déshydratation au 1er mai 2020 moyennant le versement d’une indemnité qui reste à déterminer, au pire, via un expert judiciaire. La Scica perdra alors son activité principale. Comptant 1 090 adhérents actifs en 2018 pour 1 632 000 t à 16° (80 % livrant à Roye et 20 % à Eppeville, pour un contingent total de la moitié des volumes travaillés sur ces deux sites, la Scica s’avère être déjà être support pertinent pour l’OP dont elle a statutairement à présent l’objet. Reste à confirmer les actes d’adhésions.
L’OP achètera les betteraves à ses adhérents (le transfert de propriété interviendra comme actuellement, sur le pont bascule de l’usine) et les revendra à SLS. C’est elle qui proposera un contrat d’achat à l’industriel avec des conditions générales de vente. Contrairement à aujourd’hui, où c’est le groupe sucrier qui impose son contrat au planteur, à ses conditions et avec un manque de transparence.
Pour les planteurs qui rejoindront l’OP des betteraviers de Roye (Scica Roye Déshydratation), l’adhésion engendrera une souscription de capital social de l’ordre de 17 € par hectare de betterave. Toutefois, les planteurs déjà adhérents à la Scica n’auront pas de trésorerie à avancer puisque la souscription se fera par l’utilisation de leur capital social déjà détenu.
Et maintenant, les adhésions !
Les planteurs vont recevoir de leur l’OP (Sica des planteurs d’Étrépagny ou Scica Roye déshydratation) un bulletin d’adhésion avec un engagement de trois ans. L’OP respectera, bien entendu, l’accord interprofessionnel annuel ou pluriannuel qui sera signé à l’échelle nationale, et gèrera, avec un personnel équivalent à demi-temps plein, les relations avec l’industriel. L’OP pourra recevoir des aides européennes du second pilier de la Pac, par exemple, pour des acquisitions de matériels. «Une OP ressemble finalement à un vendeur exécutif : c’est une sécurisation pour l’approvisionnement de l’usine et c’est un gage de stabilité pour l’industriel qui n’aura affaire qu’à un interlocuteur. Cette organisation est une gestion collective qui amène de la souplesse à l’échelle du planteur individuel, notamment pour la détermination des surfaces individuelles (un planteur sème plus et un autre sème moins) pour un même résultat collectif (usine)», explique Jean Jacques Fatous, administrateur de la Scica de Roye. Et de poursuivre : «l’objectif n’est pas de nous renforcer pour instaurer un rapport de force permanent avec l’industriel, mais d’établir une relation durable et équilibrée pour un meilleur partage de la valeur ajoutée». Au cours des réunions, des participants ont évoqué un courrier qu’ils ont reçu, émanant d’un groupe de planteurs qui veulent s’organiser au sein d’une autre OP. Beaucoup y ont vu une diversion pour les empêcher d’aller à l’essentiel, adhérer aux OP portées par les Sica qui ont la volonté affichée d’associer tous les planteurs concernés quelques soient leur sensibilité. Ces derniers savent ce qu’il leur reste à faire.
Dates des autres réunions d’informations
Lundi 16 septembre à 14h à Demuin (80), salle des fêtes
Mercredi 18 septembre à 9h30 à Hardivillers (60120), salle des fêtes
Mercredi 18 septembre à 18h à Jussy (02480), salle des fêtes rue du 8 mai 1945