Sodiaal : le choix de la valeur et non des volumes
La coopérative a réuni ses producteurs du quart nord
de la France le 11 septembre, à Arras.
Exactement 1 455 exploitations livrent actuellement la coopérative Sodiaal dans la région Nord. Celle-ci s’étend de la Normandie aux Ardennes, en passant par les Hauts-de-France et comprend 2 196 producteurs. Dans cette zone, la collecte atteint 716 millions de litres de lait.
«La production est quasiment similaire à celle de l’ouest du pays. Nous n’avons pas à rougir de notre dynamisme», a introduit Luc Verhaeghe, président délégué régional. Une vitalité et un ancrage territorial en lesquels la coopérative croit pour mener à bien son plan stratégique résolument tourné vers la valeur.
Démarches qualité
Instauré début 2018, #Value marque la mise en œuvre d’un programme de développement ciblé dans chacun des métiers de la coopérative. «Après deux années difficiles, les éleveurs étaient demandeurs d’un projet orienté vers la valeur ajoutée et non les volumes, indique Damien Lacombe, président de Sodiaal. Ce principe fondateur guide nos décisions et arbitrages.» En valeur ajoutée, Sodiaal entend accroître ses parts de marché sur plusieurs segments :
nutrition spécialisée, ingrédients (cf. brèves ci-contre), mais aussi lait de consommation.
Ainsi, l’estampille «les laitiers responsables» a été lancé en mai dernier sous la marque Candia. «Il s’agit de stimuler le secteur du lait UHT demi-écrémé, précise Olivier Gaffet, co-président de la région. Cette approche assure un lait de pâturage, issu d’animaux nourris sans OGM et élevés dans le respect des normes de bien-être animal. Choisir ce lait permet également une meilleure rémunération des éleveurs puisque pour chaque litre vendu, six centimes supplémentaires leur sont reversés.»
Plus de quatre-vingt producteurs de la région (sur 345 en France) ont intégré la démarche qualité. Les tournées de collecte partent à destination de l’usine d’Awoingt (59).
Parallèlement, le marché du bio est en pleine croissance. «Nous collectons 62 millions de litres à ce jour et devrions atteindre 230 millions de litres d’ici 2020, souligne Luc Verhaeghe. Nous dédoublons d’efforts en région pour accompagner les sociétaires.» Une première tournée spécifique a été créé dans le Nord. Onze producteurs sont certifiés en bio, sept sont en cours de conversion. «Dégager de la valeur ajoutée est un combat permanent et difficile, mais ces démarches sont des opportunités», juge Damien Lacombe.
Investissements et prix
Pour financer cette stratégie de valeur, un plan de performance visant à générer 150 millions d’économie en quatre ans est sur les rails. De 2018 à 2025, la plan #Value prévoit d’investir
230 millions d’euros supplémentaires dans les usines de Sodiaal, en plus du niveau récurrent qui se situe entre 80 et 100 millions d’euros annuels. «Le site d’Awoingt a été le premier à en bénéficier, dévoile Jean-Charles Mallard, directeur du bassin Nord. Depuis un an, plusieurs investissements sont en cours, comme l’amélioration du pilotage de la matière au niveau des lignes.»
Un travail, portant sur l’optimisation des achats et l’adaptation des fonctions support, qui doit permettre de gagner en efficacité. A la sortie de la laiterie, «le prix moyen du lait payé aux sociétaires devrait s’établir à 325 €/ 1 000 l pour l’année 2018, sauf imprévu, affirme Pierre Poixblanc, président de la section Normandie. Nous sommes sur une tendance un peu plus haussière qu’en 2017 (320 €/ 1 000 l)».
Une nouvelle formule de prix, basée sur le mix produits de la coopérative, sera enfin mise en place dès le 1er janvier 2019. Elle se veut «plus lisible et plus réactive», dixit la coopérative.
En bref
«Cash investigation ? Une création cinématographique !»
Diffusé sur France 2 en première partie de soirée il y a huit mois, l’enquête intitulée «Produits laitiers : où va l’argent du beurre ?» du magazine Cash investigation avait fait grand bruit. Portant atteinte à la filière, il fait encore parler. Ce fut même la toute première question de la salle à Damien Lacombe, président de Sodiaal, qui lui a demandé de s’expliquer sur la répartition du résultat de la coopérative. Le reportage dénonçait en effet un manque de transparence. «Elise Lucet (journaliste, ndlr) est venue mettre des images sur un scénario qu’elle avait prévue à l’avance, s’est exclamé M. Lacombe. Cette enquête est une création cinématographique, un jeu de rôle et rien de plus !» «Il est trop facile de faire croire des choses lorsqu’on a trois millions de téléspectateurs», a-t-il ajouté.
Confirmation du projet de reprise de l’usine Synutra
L’information a filtré cet été par voie de presse et Damien Lacombe l’a confirmé mardi dans les Hauts-de-France. Sodiaal s’est bel et bien positionné pour la reprise partielle de l’usine Synutra de Carhaix (Finistère). «Nous avions pour projet la construction d’une nouvelle unité dédiée à la fabrication de lait infantile dans le nord-ouest de la France, annonce le président. Si cette reprise venait à se finaliser, nous gagnons trois à quatre années sur notre plan de développement. Ce serait un véritable coup d’accélérateur.» Le site breton appartient à une société chinoise qui exporte la poudre de lait vers l’Empire du milieu. Mis en route il y a deux ans seulement, il connaît aujourd’hui d’importantes difficultés.
Trente-deux jeunes agriculteurs de la région aidés
Dans le cadre de son projet stratégique, la coopérative laitière a construit un programme de soutien spécifique aux jeunes agriculteurs : la Sodiaal box. Cette dernière comporte une aide financière pouvant aller jusqu’à 10 000 € (sous forme de chéquier). La somme donne accès à des formations (aspects techniques, économie, service de remplacement, gestion des salariés…), à des aides à l’investissement (liées à la «Route du lait», à la sécurité…), ainsi qu’au financement du capital social. En 2017, 316 jeunes agriculteurs ont rejoint les rangs de la coopérative et ont bénéficié du dispositif. Ils sont trente-deux à en avoir profité dans la région Nord.
Loi EGA : «L’occasion ou jamais»
Issue des conclusions des Etats généraux de l’alimentation (décembre 2017), la loi EGA est de nouveau en débat à l’Assemblée nationale depuis le 12 septembre. Ce projet de loi propose «l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole». L’objectif affiché est d’assurer une meilleure répartition de la valeur créée entre les acteurs. «Nous comptons beaucoup sur cette loi, elle est nécessaire alors que les négociations avec la grande distribution approchent, a lancé Damien Lacombe. C’est l’occasion ou jamais de correspondre à la réalité économique des producteurs, d’autant qu’il y a une prise de conscience visible de la part des consommateurs. Entre les grandes déclarations et la réalité, il y a souvent des écarts, mais à nous d’être offensifs pour sa réussite !»