Viande bovine : les eurodéputés inquiets de l’avenir de la filière
Les enjeux climatiques, l’évolution des modes de consommation, et les perspectives d’un Brexit sans accord ont été source ces dernières années d’une grande déstabilisation du marché de la viande bovine en Europe, a expliqué la Commission, le 5 novembre devant les eurodéputés de la commission de l’Agriculture du Parlement européen. Produit dit sensible, la viande bovine est également un sujet central dans les négociations commerciales, qui demande une attention toute particulière. Les eurodéputés ont encore été là pour le rappeler.
Le changement climatique et des préoccupations de santé profondes pèsent aujourd’hui négativement sur la consommation de viande bovine, a expliqué la Commission le 5 novembre devant les eurodéputés de la commission de l’Agriculture du Parlement européen. Elle précise qu’«au cours des dix dernières années, la consommation per capita a baissé de 4,5 % alors que la consommation per capita de volailles a augmenté de 22 % sur la même période». D’autres facteurs liés à la chute de la livre sterling et les perspectives d’un Brexit sans accord ont été également des facteurs aggravants, pesant sur les prix du marché. Toutefois, à court terme, le secteur bovin pourrait, selon la Commission, bénéficier de la déstabilisation du marché du porc en raison de la fièvre porcine africaine en Chine. Depuis quelques mois, le secteur a notamment eu accès à de nouveaux marchés. Face à ces défis à la fois conjoncturels et structurels, la Commission a établi quatre grandes stratégies pour venir en aide au secteur sensible de la viande bovine : «les paiements directs du pilier I fournissent un niveau de soutien de base aux agriculteurs, tandis que les aides couplées ont permis aux États membres d’octroyer 1,7 milliard à leurs producteurs bovins. Le pilier II permet de promouvoir l’activité, la recherche de nouveaux marchés et d’investissements tout en favorisant les installations via la mise en place d’organisations de producteurs, ou encore par la prise en compte du bien-être animal. Les mesures de soutien au marché spécifique ont également aidé massivement le secteur bovin, notamment en Irlande où 50 millions € ont été versés aux 35 000 exploitants agricoles irlandais». Et dans la future Pac, le secteur pourra aussi bénéficier de soutiens financiers via les programmes opérationnels ou encore les éco-régimes.
Un secteur sensible à protéger
Produit sensible, la viande fait souvent l’objet d’âpres discussions dans toutes les négociations commerciales. Concernant l’accord avec les pays du Mercosur qui est l’un des sujets les plus sensibles aujourd’hui, la Commission a souligné que sur «le quota de 99 000 tonnes qui doivent être introduites en cinq ans, il y aura une segmentation du contingent tarifaire, soit 55 % de viandes sensibles dites fraîches et 45 % de viandes surgelées». Pour répondre aux inquiétudes des eurodéputés, la Commission ajoute qu’«une clause de sauvegarde bilatérale existe, pouvant être déclenchée en cas de hausse brutale des importations ou en cas de menaces sérieuses qui déstabiliseraient le marché». Les eurodéputés n’étant toujours pas convaincus, souhaitent que le contingent de viandes bovines importées respecte scrupuleusement les normes sanitaires et phytosanitaires exigées par l’UE. Ils se demandent aussi sur quels critères la Commission autorise-t-elle à des pays tiers des contingents de viande bovine ? D’autres encore ont souhaité interpeller la Commission sur les véritables causes de la baisse des prix. Est-elle liée à une surproduction, ou bien liée à la qualité ? Ils observent que c’est une course sans fin au prix le plus bas. Dans ces conditions, les eurodéputés regrettent le choix opéré par la Commission de promouvoir toujours plus de viande bovine à produire et à exporter. Alors qu’il serait plus juste de transiter vers une démarche plus durable et plus respectueuse de l’environnement et du bien-être animal.
Carrefour lance une filière label rouge et vise «10 000 bêtes par an»
Le 7 novembre, Carrefour a signé un partenariat avec les coopératives EMC2 et Cloé sur la viande bovine label rouge. Une première étape dans la construction de sa nouvelle «filière qualité» au niveau national : d’ici fin 2020, celle-ci couvrira «70 % de la viande bovine proposée au rayon traditionnel des hypermarchés» de l’enseigne. Avec «10 000 bêtes par an en label rouge», le distributeur veut proposer «100 % de viande bovine sous signe de qualité en rayon traditionnel», incluant le label rouge, explique Bertrand éon, directeur boucherie de Carrefour France. D’après Interbev, 59 000 gros bovins ont été commercialisés sous ce label en 2018, dont plus de 41 % en GMS (environ 24 000 bêtes). D’après M. éon, la montée en puissance de la filière Carrefour conduira à «recruter de nouveaux producteurs» et à «accompagner» la conversion d’éleveurs aujourd’hui en conventionnel. Le partenariat prévoit des contrats pluriannuels - la durée est de trois ans en moyenne dans les «filières qualité Carrefour» - et «tient compte des indicateurs interprofessionnels pour la rémunération des agriculteurs», précise l’enseigne.
Un pas franchi vers l’affichage de l’origine des viandes en restauration
La balle arrive dans le camp de Bruxelles. Après la concertation, le 29 octobre, entre les professionnels, les consommateurs et le ministère de l’Agriculture, le décret sur l’affichage de l’origine des viandes en restauration devrait bientôt être envoyé à la Commission européenne. Lors de cette réunion, qui s’est tenue sous l’égide de la DGPE (ministère), un consensus se serait dégagé sur le projet de décret présenté par les pouvoirs publics. Aujourd’hui, les restaurants ont pour seule obligation d’afficher l’origine des viandes bovines. Ce texte vise à étendre cette disposition aux viandes ovines, porcines et de volailles. «Le décret est prêt et doit maintenant être envoyé pour validation à la Commission européenne», explique-t-on chez Anvol, l’interprofession des volailles de chair. Un calendrier qui devrait permettre de tenir le délai promis par le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume, le 15 octobre, à savoir une application en avril 2020. En pointe sur ce dossier, les aviculteurs espèrent que l’affichage de l’origine leur permettra de mieux se défendre contre la concurrence étrangère, dominante dans le segment en croissance de la RHD. Afin de se conformer à la réglementation européenne, l’obligation d’affichage pour les viandes ovines, porcines et de volailles portera sur la mention «élevé et abattu», sans indication du lieu de naissance. Au contraire, les règles déjà en vigueur pour la viande bovine prévoient la mention du lieu de naissance. «Nous avons sondé nos adhérents et ils souhaitent le même affichage pour toutes les viandes», explique de son côté Marie-Cécile Rollin, la directrice de Restauco, le réseau interprofessionnel de la restauration collective. «Ils sont volontaires pour aller plus loin que l’obligation en affichant la mention «né, élevé et abattu».» Restauco se félicite de l’obligation de l’affichage de l’origine des viandes, qui «va dans le sens des mesures de la loi Egalim».