Après-quota : la filière betterave sucre cherche sa voie
L’association syndicale betteravière de la Somme (ASBS) a organisé son assemblée générale le 26 mai dernier, à Amiens. En toile de fond, le rôle du syndicat dans la nouvelle configuration de la filière.
Personne ne peut échapper à la zone de turbulences que traverse la filière betterave sucre. Entre des planteurs qui nagent en pleine incertitude sur la définition du prix de la betterave, des fabricants de sucre qui cherchent à augmenter les surfaces d’emblavement, quitte à se marcher sur les pieds, et un syndicat qui a failli perdre sa place à la table des négociations, la zone de turbulences est toujours là. Mais le syndicalisme betteravier, par la voix de son président national, Eric Lainé, se veut positif, appelant chacun à «transformer la contrainte en opportunité». Ne reste plus, comme au rugby, à transformer l’essai. Sauf que pour y parvenir, il faut une équipe soudée, du planteur au fabricant, en passant par le syndicat.
Les derniers événements, soit le bras de fer engagé avec Saint Louis Sucre, ont rappelé que les rangs pouvaient être divisés. La voix de la raison ayant fini par triompher, tous ont fini par trouver un nouvel accord sur le prix de la betterave corrélé au prix du sucre, un accord satisfaisant tout le monde. L’effort consenti par le groupe a d’ailleurs été salué par le président de l’ASBS, Dominique Fiévez, lors de l’assemblée générale du syndicat, le 26 mai dernier, à Amiens.
Comment garantir le revenu des planteurs
Pour éviter d’aborder les sujets qui fâchent, plutôt que de détailler les négociations difficiles autour de l’accord interprofessionnel national en cours, le syndicat a préféré jouer la méthode Coué en évoquant comment garder une «filière d’excellence et durable», pour reprendre l’expression du directeur de la CGB, Alain Jeanroy. Premier poste pour garder un prix décent défendu par le syndicat (soit 25,5 €/T, le coût de production moyen) : diminuer les coûts de production.
Comment ? En choisissant bien sa variété, en travaillant sur la densité des semis (1,1 unité), en gérant la fertilisation azotée, en évitant de traiter systématiquement, et en faisant un arrachage sur des périodes plus longues. «En travaillant sur tous ces postes, expliquait le directeur de l’ASBS, Etienne Lenaerts, les économies peuvent aller de 80 à 250 € par hectare.» «La liste n’est pas exhaustive, ajoutait Dominique Fiévez. Il va falloir bien regarder ses itinéraires culturaux. On n’aura plus droit à l’erreur.» D’autant qu’il faudra produire plus de betteraves. Le programme Aker, dont l’objectif est de doubler le rendement, devrait y aider.
Un autre point touche aux tonnages livrés. Après avoir rappelé l’important travail de gestion et de contrôle des réceptions des betteraves assuré par le syndicat pour faire en sorte que toutes celles livrées soient payées, Etienne Lenaerts soulevait le problème du lavage des échantillons, défendant son automatisation. Face au refus des fabricants, l’affaire a été portée devant le Conseil constitutionnel, mais ce dernier a débouté le syndicat. Néanmoins, dans l’accord interprofessionnel en cours de négociation, la CGB ne lâche pas l’affaire. Mais le nœud gordien dans la garantie du revenu des planteurs reste, bien sûr, le prix de la betterave.
La CGB souhaite la transparence du marché et une corrélation entre le prix de la betterave et celui du sucre, comme l’a proposé Saint Louis Sucre dans son contrat. Avec la recherche de nouveaux marchés, pourquoi pas vers l’Ouest africain, proposait Timothée Masson, expert de ces questions à la CGB. La diversification et le développement des débouchés est aussi au cœur des réflexions, et ce, dans tous les domaines de l’énergie avec les biocarburants, mais aussi les bioplastiques, le caoutchouc biosourcé, pour ne citer que quelques exemples.
«Nous devons nous remettre en cause, concluait Eric Lainé, en faisant notamment la chasse au gaspillage.» Reste qu’une nouvelle interprofession est à construire, puisque toute la production sera désormais contractualisée. Et le président de la CGB de rappeler qu’aucun contrat ne peut être signé en l’absence d’accord interprofessionnel. En dépit des dernières turbulences traversées, le syndicat compte bien jouer son rôle dans la partie et dénoncer ce qui ne va pas, comme le refus des fabricants de négocier une adaptation de la réglementation sur le lavage ou la question de la pulpe, souhaitant à ce sujet que le droit à leur restitution aux planteurs soit maintenu. Le chemin est encore long.