Benjamin Delva : «Il fallait revoir notre système dans son intégralité pour s’en sortir»
Benjamin et son père ont converti en bio leur ferme, à Eplessier, en mai dernier.
«On est des éleveurs avant tout. Le lait représente les 2/3 de notre chiffre d’affaires. On ne peut pas faire sans vaches laitières», dit tout de go Benjamin Delva, installé depuis dix ans en Gaec avec son père. Certes, sur les 160 ha de l’exploitation, jusqu’ici, il y avait 60 ha de blé, 10 ha de betteraves sucrières, 15 ha de colza, puis 40 ha de maïs ensilage, 5 ha de luzerne et 30 ha de prairies permanentes. Il n’empêche. Avec un contrat d’un million de litres de lait produit par leurs 120 Prim’Holstein, la balance pèse lourdement du côté de cette production. Or, avec les crises laitières qui se sont enchaînées depuis 2009, «on a eu de cesse de produire plus, mais on gagnait moins. On s’est alors dit qu’il fallait revoir notre système dans son intégralité pour s’en sortir», raconte-t-il.
Synergie entre les terres et l’élevage
Pour gagner en autonomie alimentaire, diminuer les charges liées au correcteur azoté, sortir de l’intensif et éloigner autant que faire se peut l’usage des phytos, les Delval explorent la piste du bio en faisant le tour des fermes. «En étudiant le système de polyculture et élevage en bio, on a accroché sur la synergie entre les terres et l’élevage, car cela permet de valoriser le fourrage, les légumineuses, ou encore le fumier», dit Benjamin. Mais le déclic vient de la journée organisée par l’ABP, à l’automne dernier, à Conty. «Quand j’ai vu que toutes les filières recherchaient des produits bio, je me suis dit, c’est le moment d’y aller», se souvient-il. Autre opportunité : leur contrat avec la CLHN touche à sa fin. Or, Lact’Union recherche des producteurs de lait bio et paie bien. Ils saisissent l’occasion. L’objectif n’est plus d’atteindre les 1 000 000 litres de lait comme en conventionnel, mais 700 000 litres de lait bio. Une perte de quantité largement compensée par la marge économique qu’ils feront.
Comme pour Guillaume, la conversion est non simultanée, et la ferme connaît de forts bouleversements puisque sur les 160 ha, 80 ha sont désormais consacrés aux prairies temporaires. Le colza et la betterave sont arrêtés. Et sur les 50 ha de culture restants, 30 ha sont dédiés au méteil grain et 20 ha seulement aux cultures de vente. Autre changement de taille : le matériel avec l’acquisition, l’an prochain, par le biais de la Cuma, d’une faucheuse autochargeuse.
«Il faut vraiment le vouloir le changement, car si on gère mal les calendriers, on peut se louper. Il ne faut pas se planter non plus sur les choix techniques, et être bien plus réactif. Il n’y a pas de rattrapage possible, comme en conventionnel. Mais le fait de gagner en autonomie, d’avoir enfin la sensation de travailler vraiment pour nous fait que nous n’avons aucun regret. On est même ultra motivés, et l’on pense déjà à des diversifications possibles avec de cultures à haute valeur ajoutée que l’on ne pouvait pas faire en conventionnel en raison de la nature de nos sols», commente Benjamin. Vivre de son métier, c’est tout ce qu’il demande.