Finances : les bons comptes du Conseil départemental de la Somme
Réuni en session, le Conseil départemental de la Somme a voté, le 28 juin, son compte administratif 2018.
un petit peu pour pouvoir construire nos politiques.»
Si les bons comptes font les bons amis, c’est rarement le cas au sein d’une assemblée où sont réunis des élus de divers bords. La session du Conseil départemental de la Somme n’a pas échappé à ce «classique», digne d’une séquence des «Tontons flingueurs», mais sans armes équipées de silencieux, ni échauffourées violentes. Juste une passe d’armes classique, politique oblige.
D’un côté, un président de Département, qui présente «sans triomphalisme, mais avec fierté», des résultats «favorables» pour le compte administratif 2018 de sa collectivité. Et qui insiste sur le fait que les objectifs fixés, soit un taux d’épargne supérieur à 10 % et une capacité de désendettement inférieure à cinq ans, ont été atteints, «et cela, sans augmenter les impôts». Ainsi, «ce résultat nous permet de soutenir les investissements et, par un classement financier excellent, de pouvoir prétendre à des taux d’emprunt attractifs, sans endetter davantage la collectivité», conclut le président Somon. Voilà pour la version de la majorité.
De l’autre côté, soit celui de l’opposition, la lecture du compte administratif est forcément tout autre. Pour Francis Lec, président du groupe Somme à gauche, le compte administratif présenté est synonyme de «régression sociale et écologique», et s’inscrit «dans une baisse continue des services à la population». Pour Marion Lepresle, coprésidente du groupe Elues écologistes, «ce compte reflète les choix politiques du président et n’est autre que le nouveau programme électoral pour 2021». Avant de pointer le fait «qu’il n’est pas nécessaire de faire tant de réserves».
Même son de cloche du côté du groupe Parti communiste français, dont son président, Jean-Claude Renaux, s’élève contre le fait que le Département reste «focalisé sur un cagnottage compulsif et sur la dette que vous regardez comme un ennemi à abattre et non comme le moyen de développer le Département de demain et de préparer les réponses aux besoins des générations futures». Au final, «le pauvre est malgré lui privé du nécessaire, mais l’avare l’en prive par goût et par choix». Une sentence que n’aurait pas reniée Harpagon. Et dont les «grands perdants de cette politique sont les personnes âgées», fustige Patricia Wybo, présidente du groupe Rassemblement national. Mais que disent les chiffres précisément ?
Comptes «assainis»
Le compte administratif présente un montant total de dépenses réelles de 625,2 M€ et un total de recettes réelles de 645,5 M€. Pour la quatrième année consécutive, les dépenses de fonctionnement en 2018 sont en baisse, cette fois-ci de 2,44 % par rapport à leur niveau de 2017. Une baisse qui s’explique notamment par la baisse des allocataires de l’APA pour les personnes âgées et de la PCH pour les personnes handicapées, ainsi que par la perte de la compétence transport et, enfin, par la diminution des dépenses de personnel et les charges générales.
Par ailleurs, les recettes de fonctionnement ont atteint 618,4 M€, soit une hausse de 1,13 % par rapport à 2017, du fait de la conjoncture (droits de mutation notamment) et d’un fonds exceptionnel de l’Etat de 5,6 M€. Mais «la réforme annoncée de la fiscalité locale va engendrer un manque à gagner sur nos recettes par la perte de la dynamique de l’évolution des bases du foncier bâti. Autant de signaux qui nous incitent à rester très prudents pour l’avenir», met en garde Laurent Somon. A ce sujet, le gouvernement envisage de compenser la perte de la taxe du foncier bâti par une récupération d’une part de la TVA. Mais rien n’est inscrit dans le marbre, pour l’heure.
Dans tous les cas, le résultat net global s’élève à 86,8 M€ et l’épargne brute à 88,8 M€, soit un taux d’épargne de 14,4 %, très en dessus de la cote d’alerte (10 %). Quant au désendettement, il est de 3,19 années, soit une capacité inférieure aux 4,27 années constatées en 2017. En un mot, des comptes «assainis» pour reprendre le vocabulaire du président.
Nouvelles politiques
De quoi permettre de soutenir les investissements et de lancer de nouvelles politiques. Ainsi, le Département s’engagera dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. L’effort sera porté sur l’insertion des jeunes majeurs issus de l’ASE, le renforcement des aides à la parentalité, la mise en place d’un deuxième accueil social de proximité à Amiens, et l’affectation d’éducateurs spécialisés dans les collèges pour accompagner les élèves qui décrochent. Par ailleurs, des mesures nouvelles seront lancées s’appuyant sur des modes de construction des politiques publiques en concertation avec les agents et les usagers. Frugalité, innovation et collaboration seront les maîtres mots.
Enfin, outre la poursuite des investissements pour le canal Seine-Nord Europe, le grand projet Vallée de la Somme, initié par la majorité précédente, sera relancé. Rebaptisé «Programme Vallée idéale» pour l’ensemble du fleuve, une autorisation de programme sera ouverte pour 1,5 M€ afin de réaliser «un parcours idéal» pour ce projet.
Canal Seine-Nord Europe
«On croit dans ce projet, même s’il reste à signer la convention collective. On n’a jamais été aussi près», commente Laurent Somon, à l’issue de la session du conseil départemental, vendredi dernier, au cours de laquelle a été votée une enveloppe, pour cette année, de 2,2 M€ pour le financement de la Société du canal Seine-Nord Europe. La bonne nouvelle, c’est que le protocole de financement de la Commission européenne n’est pas remis en cause, soit une enveloppe de 1,8 Md€ et que, de surcroît, s’y ajoutera une rallonge de plus de 300 M€ pour assurer le financement des travaux à hauteur de 50 % alors qu’il était fixé à 40 %, celui des études restant au même niveau, soit 50 %. Reste cependant une inconnue : comment sera financé le milliard que s’est engagé à verser l’Etat pour le canal ? L’option retenue est celle d’un emprunt financé sur une taxe locale. Des propositions devraient être soumises le 31 juillet lors de la commission technique sur le canal. D’autres questions demeurent sans réponse : qui prendra en charge le surcoût des normes imposées par l’Etat pour le chantier et autres aléas ? A suivre.