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Épisode 2
Le Gruyère, fabriqué en Suisse, bien aimé en France

Pour le deuxième épisode de la série estivale «fromages», on vous emmène hors des frontières de France à la découverte des secrets de fabrication du Gruyère.

«Même s’il est pour nous le meilleur fromage du monde, il faut que l’on continue à le défendre.» De quoi parle-t-on ainsi ? Et qui donc est capable de faire preuve d’autant de chauvinisme ? Du Gruyère suisse produit par quelque 1 811 producteurs de plaine, 57 producteurs d’alpage et 155 fromagers et protégé depuis 2001 par une Appellation d’origine contrôlée (AOC) ; laquelle s’est transformée depuis en Appellation d’origine protégée (AOP) pour couvrir environ un quart du territoire national. Chaque année, 382 millions de litres de lait sont destinés à la production d’environ 32 000 t du fromage emblématique suisse.

Depuis 2016, sa production a tendance à augmenter. Elle est estimée à 32 000 t par an, dont 14 000 t sont destinées à l’export. D’un pays à l’autre, le Gruyère suisse sous AOP n’est pas perçu de la même manière, ce qui se reflète sur les ventes. Ainsi, les États-Unis sont de loin le premier marché du Gruyère. En Europe, les deux principaux pays acheteurs sont l’Allemagne et la France où les ventes ont tendance à stagner, voire à diminuer. Et en Suisse ? «Les ventes se maintiennent, constate Pierre-Yves Guyot, président de l’interprofession du Gruyère AOP. C’est un produit courant, d’entrée de gamme...» En Europe en revanche, le gruyère bénéficie d’une image «premium», ce qui le place après l’achat des produits de première nécessité.

 

Un cahier des charges strict 

En termes de gouvernance, l’AOP Gruyère suisse fait office de modèle : «Toutes les décisions sont prises à l’unanimité», indique son président ; ce qui donne lieu à des discussions parfois longues, notamment en ce qui concerne le cahier des charges. En matière d’alimentation des vaches, il interdit l’ensilage de maïs dans la ration, les conservateurs, les activateurs de croissance ou les hormones. La production de lait doit donc se faire uniquement avec du fourrage récolté grossièrement ou de l’herbe pâturée en provenance à 70 % de l’exploitation. Pour la traite, l’utilisation du robot est bannie. La mesure est toutefois récente puisqu’elle date du mois de… juin : «Jusqu’à présent, rapporte le président de l’AOP Gruyère, il y avait une tolérance pour les éleveurs qui étaient équipés. Mais on doit faire attention à l’image que l’on renvoie. Cette image ne doit pas être pénalisée par les méthodes qu’on emploie.» L’autre argument qui pèse en défaveur du robot est la qualité du lait, toujours selon M. Guyot : «Le robot suppose une traite en continu. La matière grasse n’a pas le temps de se constituer et ce n’est pas bon pour la fabrication du fromage.» En ce qui concerne le choix des races, il est libre pour chaque éleveur. Si l’on trouve une majorité de troupeaux de vaches holstein, on peut également croiser des red holstein, quelques normandes et simmental. 

 

Les secrets de fabrication

À la Roche, dans le canton de Fribourg, Gabriel Moura est l’un des artisans de la transformation du lait en gruyère, comme 156 autres professionnels. À 28 ans, il est en effet à la tête d’une fromagerie qui transforme le lait d’une trentaine d’éleveurs propriétaires des installations. Chaque jour, il réceptionne environ 10 000 kg de lait qu’il valorise en gruyère, vacherin, yaourts, lait pasteurisé, beurre ou double crème. Avec une production de 333 t l’an dernier, le gruyère reste de loin son produit-phare. Pour lui, l’un des points forts de l’AOP gruyère suisse est «de maintenir des unités de petite taille qui récoltent le lait localement puisque c’est aussi un moyen de garder des emplois dans les campagnes». Les livraisons de lait par les éleveurs s’effectuent deux fois par jour, le matin et en fin d’après-midi. Fonction de la taille des troupeaux, elles varient entre 80 et 800 l. Un échantillon est alors prélevé pour être analysé. Ce n’est qu’une fois que l’analyse aura livré ses résultats que le lait peut être transformé : caillage, pressage, égouttage… La meule ainsi constituée pèse 39 kg à sa sortie de la chaîne de fabrication, avant d’être ramenée à 35 kg.

Depuis quelques années, les caves d’affinage de la fromagerie de La Roche ont été automatisées pour rendre la manipulation des meules moins pénible : «Travailler dans une atmosphère humide, ce n’est pas facile. S’il n’y avait pas d’automatisation, il faudrait deux à trois personnes de plus.» La durée d’affinage est de 90 jours. À l’issue, un affineur est chargé d’agréer la fabrication et attribue une note à chaque meule. Jugées sur l’ouverture – il ne doit pas y avoir de trou -, l’élasticité, le goût et l’aspect visuel, les meilleures meules pourront être vendues entières. Les autres seront quant à elles déclassées, mais pas perdues pour autant puisqu’elles seront utilisées pour la fabrication de fondues. Les fromages produits par la fromagerie de La Roche peuvent tout autant être vendues dans des enseignes de distribution locales qu’à l’extérieur, et notamment en Grande-Bretagne. Pour rien au monde, Gabriel Moura ne voudrait faire un autre métier que le sien : «La richesse de notre métier, c’est de ne pas rester derrière un écran. On doit sentir, toucher… Je suis comme un cuisinier ou un pâtissier. Je dois composer avec la matière que je reçois.» Et c’est ce qui fait le charme de la production fromagère, comme celui d’un gruyère suisse.

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