Agroalimentaire
Les cochons de chez nous valorisés au Domaine Picard
La charcuterie de Lucien Thuilier, fondée en 1949 au nord d’Amiens, a bien changé. Aujourd’hui, l’usine de Villers-Bocage nommée Domaine Picard produit 2 000 t de spécialités grâce à soixante-dix salariés. Mais la valorisation de l’élevage régional et les recettes traditionnelles ont été conservées. Reportage.
La charcuterie de Lucien Thuilier, fondée en 1949 au nord d’Amiens, a bien changé. Aujourd’hui, l’usine de Villers-Bocage nommée Domaine Picard produit 2 000 t de spécialités grâce à soixante-dix salariés. Mais la valorisation de l’élevage régional et les recettes traditionnelles ont été conservées. Reportage.
D’un geste sûr et rapide, le couteau trace une ligne de la rotule et contourne la tête du fémur. Une fois le jambon retourné, la petite noix est découpée. L’os est ensuite longé pour être retiré. Ce lundi matin, comme chaque semaine, une petite dizaine de découpeurs expérimentés désossent les jambons de porc à la main au Domaine picard, à Villers-Bocage. Une étape indispensable à la préparation des jambons à l’ancienne. «On est un des rares agroindustriels à en faire. Le nôtre est à base de viande française, salé à 12 %, à la veine par pénétration douce et homogène de la saumure, sans battage ni moulage, cuit lentement à 65°C pendant seize heures», présente Stéphane Nuellas, directeur général de l’entreprise.
2 000 t de charcuterie sortent de l’usine samarienne chaque année, grâce au travail de soixante-dix salariés : 1 200 t de jambon blanc, 200 t de Potjevleesch, le reste en pâté, dont le fameux muché à l’ail, touillé à la fourchette, qui fait sa renommée. 22 M€ de chiffre d’affaires sont ainsi générés, avec la plus grosse partie des ventes en grande distribution. Ces recettes traditionnelles ont toujours été dans son ADN. «Lucien Thuillier a fondé sa charcuterie en 1959, à Talmas, un village voisin. Son affaire a grossi de plus en plus, et une usine a été construite à Villers-Bocage en 1996. En 2019, une nouvelle unité a été créée», rappelle Stéphane Nuellas.
Aujourd’hui, séduire la grande distribution et les consommateurs avec ces produits est un défi de tous les jours. Premièrement, la charcuterie, bien que la majorité des tables des Français, souffre d’une mauvaise image en termes de santé. «En 2016, nous avons adopté une nouvelle politique de communication. Notre slogan est “Les régimes, c’est bien. Profiter de la vie, c’est mieux.“» Le Domaine Picard prend néanmoins les attentes sociétales au sérieux. Deux types de jambon sans nitrite sont proposés. «Ces additifs alimentaires sont utilisés pour donner une couleur rosée aux charcuteries, et pour améliorer leurs conditions de conservation du jambon. Mais ils augmenteraient les risques de cancer colorectal en cas de surconsommation de charcuterie…»
Approvisionnement local
Surtout, le Domaine Picard mise sur la charcuterie artisanale et locale, à base de viande de qualité. «90 % de nos approvisionnements sont des porcs français, et la moitié au total provient des Hauts-de-France», assure Stéphane Nuellas. Le jambon de chez nous valorise cet approvisionnement régional. Une partie de ces porcs sont même élevés en label Rouge, nourris à la graine de lin riche en Oméga 3. «Mais en période de crise, cette filière a moins la cote. Elle représente un coût supérieur», avoue le responsable.
En pleine inflation, le Domaine Picard doit d’ailleurs redoubler d’efforts pour séduire avec ses produits «hauts de gamme». «Avec notre méthode artisanale, 1 kg de viande donne 650 g de jambon. Le rendement est faible.» Le prix au kilogramme est donc forcément supérieur. Ajoutez à cela des paquets plus lourds, à nombre de tranches équivalent à un paquet de jambon industriel lambda. «Le jambon à l’ancienne se tient moins bien à la découpe qu’un jambon baratté, donc les tranches sont plus épaisses.» La couleur, plus grise et moins uniforme du fait du sans nitrite doit aussi être acceptée. «Le consommateur veut de la qualité, du traditionnel, du local… Mais des prix bas, pas de gras et un produit qui réponde à ses standards. C’est compliqué !» Pas de quoi entacher la passion du bon produit dans cette entreprise. «Notre credo, c’est de permettre aux gens de passer un bon moment autour d’une table, à partager une tranche de pâté ou de jambon, un verre de rouge dans une main et du pain de campagne dans l’autre.»
Des saucisses à picorer
C’est la nouveauté du Domaine Picard : des mini-saucisses apéro, nature, au gouda ou à l’ail. «Il s’agit de mini-saucisses cuites à gros hachage, qui se réchauffent au micro-ondes. L’idée était de retrouver le vrai goût d'une saucisse en une seule bouchée», présente-t-on au Domaine Picard. Ces saucisses sont composées de viande de porc française, évidemment. Le produit commence à être référencé dans les points de vente. En attendant, elles sont disponibles à la boutique de l’usine, à Villers-Bocage.
Une nouvelle médaille au salon ?
Le Muché picard ne séduit pas que les papilles de la région. L’année dernière, le pâté de campagne supérieur du Domaine Picard a décroché une médaille de bronze au CGA (Concours général agricole), organisé lors du Salon international de l’agriculture. Ses particularités : un hachage grossier donnant à la chair un gros grain spécifique, l’incorporation de foie de porc, un touillage à la fourchette à mi-cuisson permettant d’obtenir une cuisson homogène caractéristique et une gelée naturelle donnant au pâté une texture agréable et non grasse. «On espère en décrocher une nouvelle cette année, et surtout, on aimerait que notre jambon à l’ancienne se démarque lui aussi», annonce Stéphane Nuellas, directeur général de l’entreprise samarienne. Réponse dans quelques jours.