Notre appel du 3 septembre
Chers collègues,
Rarement notre profession n’aura fait parler d’elle, et pour cause ! Nous traversons une crise profonde. Cette crise, elle est avant tout économique, mais aussi sociale et même identitaire.
Pris en étau entre les charges franco-françaises et la mondialisation des échanges, nous perdons des marchés, notre compétitivité s’effrite, nos exploitations stagnent, de moins en moins de jeunes s’installent, en un mot, notre avenir s’assombrit.
Les actions syndicales qui ont eu lieu au cours de l’été ont focalisé l’attention des médias et du grand public sur nos difficultés. La préférence locale dans l’approvisionnement des restaurations collectives, l’étiquetage des produits transformés, la qualité des produits et les emplois locaux sont autant de sujets qui ont éveillé les consciences. Pour autant, si nous nous sommes fait entendre, nous sommes encore insuffisamment écoutés. Les mesures annoncées en juillet ne sont ni à la hauteur de nos difficultés, ni même sur les axes de nos attentes.
Nos attentes à l’égard du gouvernement restent les mêmes : moins de charges, plus de prix !
Puisque le gouvernement ne l’a pas encore entendu, et que l’agriculture paraît dans les faits bien éloignés des préoccupations du pouvoir législatif et exécutif, et bien, nous allons le dire encore plus clairement à Paris.
A Paris, se décident, se votent, s’imaginent toutes les lois, décrets, directives, contraintes et autres réglementations qui plombent notre économie : des contraintes faussement environnementales, réglementations PAC ou loi sur l’eau, sur la biodiversité, Srce, loi Grenelle, lois sociales, etc…
Depuis de trop nombreuses années, aucun texte ou projet n’a apporté de l’efficacité à nos fermes, pour qu’elles dégagent un revenu décent et régulier pour nos familles et celles de nos salariés, encore moins pour se moderniser et progresser.
Alors, comme vous tous, nous le disons clairement : la communication, la poudre aux yeux et les mesurettes, ça suffit !
Le plan de soutien à l’élevage ne suffit pas. Il ne suffit déjà pas à l’élevage, mais c’est surtout toute l’agriculture qui a besoin d’une bouffée d’oxygène.
Il faut arrêter les mesures d’urgence ou de saupoudrage qui n’illusionnent que les médias parisiens et courtisans du pouvoir. De deux choses l’une : ou l’agriculture est stratégique et a un rôle central sur notre pays, nos paysages, notre économie, notre environnement, et on l’accompagne pour y parvenir ; ou elle ne l’est pas, mais alors on se le dit !
Pour nous, c’est clair : l’agriculture est stratégique.
Pour nous, c’est clair : tout ce qui l’entoure ou l’administre doit être réformé de fond en comble.
Pour nous, c’est clair : si on s’occupe de notre profession, de nos filières, de notre secteur économique, c’est une formidable machine économique, sociale et environnementale qui repartira de plus belle.
Alors, des revendications précises, nous en avons.
De la trésorerie, en urgence
L’urgence, c’est de réinjecter de la trésorerie, en renforçant le plan d’urgence à l’élevage, et en l’élargissant sur certains aspects à toutes les filières.
- Renforcement des enveloppes PAC et des prises en charges des cotisations sociales.
- Dégrèvement d’office de toute Tfnb et gel de l’indice des fermages sur l’année.
- Suppression de l’assiette minimum maladie et intégration au Cice des chefs d’exploitation et salariés de coopératives.
- Paiement des avances PAC de tous, demandes faites ou non, et pas de remboursement de DJA pour les jeunes installés qui n’atteindraient pas le seuil du revenu.
Des prix pour nos produits
- Rétablissement des échanges commerciaux, notamment avec la Russie.
- Mesures de marché sur les productions animales (stockage, intervention, restitution).
- L’étiquetage obligatoire des pays d’origine sur tous les produits entiers et transformés au sein de l’Union européenne.
Des réglementations qui ont du sens
- Réalignement sur le droit européen pour tous les sujets (environnementaux, Ecophyto, CPE, etc…), et ce, depuis le niveau national jusqu’aux échelons régionaux ou même communaux (Srce, PLU…).
- Des réglementations stables dans la durée, et cohérentes avec les spécificités agronomiques, typologiques ou météorologiques des régions (zones vulnérables).
- Et surtout, une méthode pour bâtir les réglementations, pour s’assurer de leur cohérence, de leur utilité et arrêter de laisser chaque ministère, administration ou même ONG rajouter ses paragraphes.
Réformer en fiscalité, le social et l’investissement
- Supprimer les cotisations de la branche famille, améliorer le Cice pour que l’entreprise n’en avance plus la charge.
- Renforcer les capacités de la déduction pour aléas, et supprimer les contraintes de sa réintégration.
- Adapter la fiscalité sur les sociétés agricoles pour tenir compte de la volatilité, des cycles de production, et tout simplement des aléas de production.
- Favoriser la modernisation en ouvrant le «suramortissement» à tous les investissements productifs de tous les secteurs de production.
Voilà une liste de revendications claires et précises. Des solutions miracles, il n’y en a pas. Des idées qui font avancer et qui vont dans le bon sens, nous en avons.
Mais, à présent, c’est tous ensemble que nous devons les porter.
A Paris d’abord, le 3 septembre, car Paris porte la responsabilité des charges, des normes, des contraintes, de la fiscalité, etc… et Paris se doit d’être leader à Bruxelles… où nous irons aussi le 7 septembre.
Comment irons-nous ?
A Paris, en tracteur, en bus, qu’importe ! Nous nous organisons pour y aller, mais surtout nous devons y aller massivement, soudés et en incarnant non seulement les exploitations agricoles, mais aussi et surtout tout le tissu économique rural. Nous en sommes le moteur, nous en sommes le porte-parole. A Paris, d’une façon ou d’une autre, nous interpellerons nos dirigeants : le chef de l’Etat, le chef du gouvernement et les principaux ministères qui portent la responsabilité de la situation. N’oublions pas, non plus, les parlementaires : ils ont certes la responsabilité d’écrire ou d’amender les lois, mais ils ont surtout pour seule légitimité le territoire qui les a élus. Un débat doit avoir lieu ce jour-là, et nous attendons d’eux qu’ils y soient tous et avec comme seule casquette leur territoire.
Alors, exploitants, conjoints, jeunes, anciens, syndiqués, non syndiqués, partenaires de l’amont, partenaires de l’aval, organismes de services ou économiques, élus ou salariés, c’est non seulement un modèle agricole, économique ou alimentaire qui est en jeu, c’est surtout notre avenir à tous qui se joue. Notre avenir en tant qu’hommes et femmes qui travaillent avec le vivant, qui nourrissent les populations et qui font vivre les territoires ruraux.
Dans cette revendication, le nombre apporte la crainte, l’unité apporte le crédit. Il nous faudra les deux à la fois pour être entendus.
Nous comptons sur vous !