Picardie Maritime : comment diversifier l’activité agricole
Le 8 juillet dernier, l'association Syner-Ouest tenait son assemblée générale,
à Boismont. Au menu : hébergement à la ferme et valorisation de filières de production.
Plages de galets ou de sables fins, falaises, estuaire, architecture remarquable, campagne, réserve naturelle, patrimoine historique, une très bonne accessibilité routière et réseau ferré... Les atouts de l’ouest de la Somme sont nombreux pour développer le tourisme. L’association Syner-Ouest, créée en 1992, et regroupant des organisations professionnelles agricoles, des chambres consulaires et des collectivités, en a fait son cheval de bataille afin de mettre en avant le territoire et les agriculteurs qui y vivent.
Prenant en compte leurs inquiétudes, consécutives à la réforme de la PAC et aux inondations des bas champs de la plaine maritime picarde, l’association cherche comment apporter de la valeur ajoutée sur le territoire. S’appuyant sur la Chambre d’agriculture et les collectivités, elle incite, à ses débuts, les exploitants à se lancer dans l’éco-tourisme, soit dans l’hébergement touristique à la ferme.
Hébergement à la ferme : quel intérêt ?
L’idée fait mouche. Deux raisons à cela : l’assurance d'un revenu complémentaire et la valorisation de son patrimoine agricole bâti. «Pour ce qui est des gîtes de France, la Somme est l’un des premiers départements en taux de remplissage», relève Katherine Defosse, conseillère d'entreprise au CER France Somme. «Or, dans un contexte de crise dans le milieu agricole, entre les questions de prix sur les productions et les contraintes environnementales, les opportunités touristiques peuvent être une source de revenus complémentaire pour les agriculteurs, souligne Patricia Poupart, présidente de Syner-Ouest. Avec quatre ou cinq chambres d’hôtes, on peut réaliser une marge financière de 20 000 € annuels».
Le marché est favorable et il y a de la place pour tout le monde, «mais pas pour du gîte au rabais», dit Katherine Defosse. Avant de préciser que la clientèle est aujourd'hui «friande» de concepts insolites et innovants, tels que les cabanes dans les arbres, les roulottes, les yourtes..., mais aussi d’hébergements de charme et d’offres centrées autour de l'écologie (éco-villages, campings nature, hôtels éco-labellisés...). «Ce qui est aussi recherché, ce sont les gîtes pour groupe, pouvant accueillir trois ou quatre familles, mais offrant un espace indépendant pour chacune, et modulable», complète-t-elle.
Valorisation des produits locaux
Consommer local, c’est aussi une autre manière de mettre en avant les agriculteurs du territoire. Pour ce faire, ont été lancées, au début des années 2000 la baguette de pain L’Avocette, fabriquée avec de la farine du territoire et par des boulangers locaux, et la démarche «Panier de la Baie», des paniers de légumes et de fruits vendus à 10 € par des producteurs locaux sur les marchés, à leur ferme ou à des collectivités.
Pour ce qui est de la baguette de pain (182 000 produites en 2014 contre 230 000 en 2011), «c'est un petit projet, reconnaît Christian Lesenne, ingénieur à la Chambre d'agriculture et animateur de Syner-Ouest. Sur les 125 boulangers de la Somme qui disposent d'un four à sol, seule une trentaine a rejoint le projet. Certains ont abandonné, car nous sommes sur un marché très concurrentiel. Mais l’intérêt n'est pas que le chiffre d’affaires, il est aussi de montrer que nous sommes capables en Baie de Somme de produire du blé de qualité, ce qui permet d'ouvrir la filière sur d’autres débouchés». Aussi la politique de communication sur le produit va-t-elle se poursuivre et une nouvelle baguette d’Avocette à la salicorne va être lancée sur le marché grâce à un partenariat avec un pêcheur à pied.
Contrairement à la baguette, le «Panier de la Baie» est des plus recherchés. Les douze producteurs locaux engagés dans la valorisation des fruits et légumes produits localement, et cultivant au total 35 ha, ne peuvent faire face à la demande croissante. Il n’empêche. De nouveaux partenariats vont être pourtant mis en place, notamment avec le magasin Gam’Vert d’Abbeville, qui ouvrira un rayon de produits du terroir le 1er octobre prochain. Si de nouveaux producteurs doivent rejoindre le réseau et compléter la gamme de produits proposés, «notre crainte, avoue Christian Lesenne, est de manquer de produits». Aussi, cette année, l’accent va-il être beaucoup plus mis sur la production que sur des partenariats à développer. Syner-Ouest, telle qu’elle existe aujourd'hui, sera-t-elle encore à l’initiative sur tous ces domaines ? Tout dépendra du Parc naturel régional (lire ci-dessous).
Mise en veille de Syner-Ouest
Syner-Ouest est-elle vouée à disparaître ? C’est la question qui a été soulevée lors de l’assemblée générale de l'association. «On se demande, disait la présidente, Patricia Poupart, si l’on doit continuer d’exister. Soit on arrête tout, soit on continue sous une autre forme. En effet, si le Parc naturel régional (PNR) voit le jour, il n’y aura pas forcément lieu de maintenir l’association, car on aura les moyens de continuer notre action au sein de ce Parc. Nous avons donc décidé la mise en veille de l’association pour 2016, en attendant de voir si le PNR se met en place. Si on voit que ça ne marche pas, on réactivera Syner-Ouest».
Autre motif, d’ordre économique cette fois-ci. L’Etat réclame à la Chambre d’agriculture de la Somme la restitution de plus d’un million d’euros, considéré comme un «trop perçu». Conséquence : les subventions sont revues à la baisse. «Nous aurons moins de fonds à disposition, disait-elle, mais ce n’est pas majeur pour nous». En revanche, plus gênant, la Chambre d’agriculture a réorienté sa stratégie sur davantage de prestations de services pour les agriculteurs et moins d’animations locales. «Cela ne nous empêchera pas de continuer à accompagner les associations Avocette, Panier de la Baie, ainsi que le projet méthanisation dans le Vimeu», a précisé Christian Lesenne.