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Plaine en fête : les politiques planchent sur l’agriculture

Le 5 septembre dernier, les candidats aux élections régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie étaient invités par la Frsea et les JA Picardie à présenter leur programme pour l’agriculture.

De g. à dr. : Jean-Michel Serres (LR),  François Veillerette (EELV),Fabien Roussel (PCF), Sébastien Véron (Nous, citoyens), Yves Dupille (FN), Jean-Philippe Tanguy (Debout la République).
De g. à dr. : Jean-Michel Serres (LR), François Veillerette (EELV),Fabien Roussel (PCF), Sébastien Véron (Nous, citoyens), Yves Dupille (FN), Jean-Philippe Tanguy (Debout la République).
© AAP

La crise des filières laitière, porcine et bovine révèle la rude concurrence à laquelle sont exposés les agriculteurs français dans l’Union européenne. Tous craignent pour la survie de leur exploitation. Chez les céréaliers, le moral n’est pas meilleur. Si les rendements de la moisson ont été excellents cette année, les revenus ne seront pas pourtant au rendez-vous. Chez les betteraviers, on redoute la dérégulation des prix avec l’après-quota.
Mais, comme le soulignait Laurent Degenne, président de la Frsea Picardie, «si l’agriculture traverse une crise sans précédent, elle représente également un véritable enjeu pour notre territoire. Des solutions existent pour sortir de la crise. Elles se trouvent du côté de nos décideurs».

«Produire et consommer français»
Reste que le programme des candidats aux élections régionales est en cours d’élaboration. De ce fait, ceux qui avaient accepté l’invitation de la Frsea et des JA de Picardie, à savoir le Parti communiste français, Nous citoyens, Les Républicains, le Front national, Debout la France et Europe Ecologie - Les Verts, étaient plus dans l’exercice de style que dans la présentation de propositions élaborées sur l’avenir de l’agriculture, lors de Plaine en fête.
Tirés au sort pour l’ordre de passage, et disposant chacun de dix minutes de prise de parole, le bal était ouvert par Fabien Roussel (PCF). La volonté du PCF ? «Produire et consommer français.» Un slogan lancé il y a plus de trente ans par Georges Marchais, et dans la bouche de tous les partis aujourd’hui.
Pour atteindre cet objectif, le PCF propose une politique autour des prix : mise en place de prix-planchers garantis aux producteurs au niveau de la PAC, instauration de coefficients multiplicateurs garantissant les prix d’achat et de vente des produits à l’échelle nationale, et création d’une plateforme régionale pour garantir un prix auprès des agriculteurs.
Sébastien Véron, du mouvement Nous citoyens, créé en 2013, appelait, lui, à «un sursaut citoyen pour une politique mettant fin à des dépenses publiques inutiles». Plus exhaustif sur son parti que sur la question agricole, il se contentait de décliner quelques propositions en vrac : diminution des charges, suppression des normes imposées par l’Europe et la France, installation des jeunes, développement de la recherche agricole, soutien de l’agriculture bio, et même de la ferme des 1 000 vaches…

«Pragmatisme et… fin des idéologies»
Dans le rôle du pragmatique, Jean-Michel Serres (LR) tirait son épingle du jeu. Et pour cause. Ancien président de la Fdsea de la Somme et ancien agriculteur, l’homme connaît le sujet sur le bout des doigts. «Pour que notre région soit compétitive, il faut garder et développer la valeur ajoutée de l’agriculture, notamment en accompagnant l’installation des jeunes et les mises aux normes des exploitations. Cela peut se faire sous une forme de fonds revovling», détaillait-il.
Une valeur ajoutée qui passe aussi par la formation des jeunes. «Nous sommes prêts à soutenir la création d’une école vétérinaire à Beauvais. Il faut aussi renforcer le réseau des écoles d’ingénieurs agricoles.» Quant à la modernisation du secteur, «il est urgent, insistait-il, de passer au stade industriel pour que tout le travail de recherche des laboratoires dans le cadre d’Agro Ressource ne parte pas ailleurs.»
Les circuits courts sont aussi une autre clé de développement. «Il faut passer à la vitesse supérieure, disait-il. Nous sommes d’ailleurs prêts à soutenir une marque régionale, comme le maintien des abattoirs de proximité.» Concluant sur la nécessité du «pragmatisme et de la fin des idéologies pour sortir de la crise», il taclait ses adversaires sur leurs propositions peu «régionales».

«Le baratin des politiques»
Le pragmatisme, le FN, représenté par Yves Dupille, le déclinait à sa façon. Si «l’agriculture est une cause nationale que nous défendons, le programme viendra après les élections régionales», disait celui-ci. Le frontiste déclinait ensuite les titres des grands chapitres agricoles sur lesquels le parti travaille : étiquetage de la viande bovine, lutte contre le dumping social, instauration d’un protectionnisme raisonné, priorité aux produits locaux, mise en place d’une politique de revenus décents, circuits courts… «Tout cela, reconnaissait-il, se fait à l’échelle de la politique française et à celle de la politique européenne.»
Quid de la Région ? «Quand nous serons élus, nous mettrons en place un annuaire d’agriculture pour défendre le «made in local», et imposerons aux collectivités de se fournir sur place, au moins à 50 %.» Mais, qu’on se le dise, «si on veut sauver l’agriculture, le premier échelon, c’est la Région. Le second (l’Elysée, ndlr), ce sera plus tard…»
Avec un même sens de la formule, le représentant de Debout la France, Jean-Philippe Tanguy, dénonçait, lui, le baratin des politiques autour des promesses de baisse des charges, et l’inutilité des élus. Une seule solution pour sauver l’agriculture : «Il faut ramener sur nos territoires de la transformation et de l’industrie. De même, si on veut que l’agriculture soit la colonne vertébrale de la Région, il faut s’unir. Le problème des agriculteurs, c’est aussi celui des artisans et des commerçants.»
Le dernier orateur, François Veillerette, préférait, quant à lui, jouer la carte du vice-président sortant de la Région. S’appuyant sur ce qui avait été fait, il précisait que «les fonds 2e pilier avaient été versés en priorité aux agriculteurs qui en avaient le plus besoin». Comme ses petits camarades, il insistait sur le développement de la valeur ajoutée de l’agriculture, avant de mettre l’accent sur l’atout de notre situation géographique. Installation, circuits courts étaient aussi évoqués.
Chapelets de bonnes intentions pour les uns, projets concrets pour les autres, il faudra cependant attendre quelques mois avant de savoir réellement ce que chacun a à proposer pour notre région.

L’avenir de l’agriculture : ce que les agriculteurs attendent de la Région

Les enjeux sont de taille pour relever le défi et sortir de l’ornière : développement de la valeur ajoutée de l’agriculture, renouvellement des générations, formation des jeunes, foncier, production et filières, industrialisation des produits agricoles, recherche, innovation, ou encore environnement.
Au milieu de tous ces enjeux, un autre enjeu tout aussi important est en train de se profiler : la fusion des régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie. Face à la puissante région Nord, l’agriculture picarde peut-elle perdre beaucoup dans cette fusion ? «C’est une opportunité phénoménale, car cette fusion va créer une nouvelle dynamique dans le secteur agricole. Si on crée de la valeur ajoutée sur le territoire, on crée de l’emploi», s’enthousiasme Jean-Bernard Bayard, président de la Chambre d’agriculture Nord-Pas-de-Calais. Or, l’agriculture est bel et bien pourvoyeuse d’emplois, et d’autant plus avec le renouvellement des générations qui va s’opérer dans les toutes prochaines années. «L’accompagnement à l’installation des jeunes est primordial, relève pour sa part Hervé Davesne, président des JA de Picardie. On a besoin de compétences. Aussi attend-on de la Région qu’elle maintienne le dispositif d’aide à l’installation des jeunes, qu’elle renforce et simplifie l’apprentissage agricole, parce que l’un des enjeux forts pour l’avenir de l’agriculture sur notre territoire sera la formation agricole.»
L’enjeu autour du foncier n’est pas moindre, car les zones agricoles se réduisent d’année en année face à une urbanisation galopante. Il est donc nécessaire que les élus soient sensibilisés à cette problématique quand ils élaborent leur PLU ou PLUI, et qu’ils pensent en premier lieu à réhabiliter les friches industrielles avant d’empiéter sur les zones agricoles.
Pour ce qui est de la production et des filières, trois axes, selon Laurent Degenne, président de la Frsea Picardie, doivent être privilégiés par la grande Région pour que l’agriculture gagne en valeur ajoutée : le développement des circuits courts avec la valorisation des produits du terroir, l’incitation à tous les partenaires de la collectivité territoriale pour qu’ils consomment des produits Nord-Pas-de-Calais-Picardie, et la reconquête d’une industrialisation de ces produits pour les transformer sur place. Pour ce faire, «la Région, dixit Christophe Buisset, président de la Chambre d’agriculture de Picardie, doit poursuivre son effort d’investissement pour la recherche et l’innovation.On a des entreprises innovantes.
Elles peuvent nous apporter beaucoup.» Dans les soutiens financiers, un même effort est attendu
de la Région dans le cadre des fonds européens. «Nous avons besoin de développer nos exploitations», dit Laurent Verhaeghe, président de la Frsea Nord-Pas-de-Calais. La Région, on l’aura compris, est un acteur essentiel pour les agriculteurs. La balle est dans le camp des élus.
F. G.

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