SNFM : comment refonder le statut du fermage
L’un des moments forts du 70e congrès de la Section nationale des fermiers métayers a été la table ronde organisée le 1er février dans le Rhône. Entre constats et propositions, les participants ont élaboré des pistes de réflexion en vue de la loi foncière prévue fin 2018.
Le 70e congrès de la Section nationale des fermiers métayers (SNFM) s’est donné pour ambition de lancer la discussion autour du thème «vers un nouveau statut du fermage». L’idée était donc d’avoir un congrès interactif, donnant la parole à chaque participant, lors de travaux en petits groupes, le mercredi, puis en laissant différentes positions s’exprimer lors d’une table ronde, le jeudi matin.
Dresser les constats
Installé derrière la banderole rappelant le slogan du congrès «plus de sécurité pour le fermier et davantage de liberté pour le bailleur», Maître Jean-Christophe Hoche, président de l’Inere (l’institut notarial de l’espace rural et de l’environnement) et notaire à Villié-Morgon (Rhône), fut le premier à livrer ses constats. «Première difficulté, lorsque la transmission se fait hors-cadre familial, il faut convaincre le bailleur de poursuivre avec le repreneur. D’un autre côté, pour les propriétaires, poursuit-il, au moment d’hériter de terres en bail à ferme, la première question qu’ils posent est : quand est-il possible de récupérer ces terres ?»
Sébastien Richard, secrétaire adjoint de Jeunes agriculteurs, a rappelé l’intérêt du statut de fermier pour les jeunes agriculteurs. «C’est un véritable outil pour porter le foncier. Il permet de s’installer et d’avoir de la visibilité sur le long terme». Cependant, la précarisation se développe à cause de l’essor du travail à façon : «Cela induit un problème de dynamique du territoire rural.»
«Nous faisons le même constat avec des mécanismes un peu différents, indique Anne-Sophie Janssens, juriste à la Fédération wallone d’agriculture. Le frein à la location vient du caractère longue durée, éternel, du bail à ferme». Et d’expliquer qu’il est devenu très compliqué pour les propriétaires de récupérer leurs terres.
«En France, nous sommes attachés au foncier tant pour sa valeur financière que symbolique», constate à son tour Dominique Potier, agriculteur en Gaec et député de Meurthe-et-Moselle. Ce dernier est également co-rapporteur de la mission parlementaire, qui planche actuellement sur la grande loi foncière prévue pour la fin 2018. «Or, des déréglementations législatives viennent saper le dispositif, notamment les lois de simplification», précise-t-il.
Patrice Chaillou, premier vice-président de la SNFM, conclut cette première partie en rappelant que «nous voyons bien que le foncier nous échappe, notamment avec le développement du travail à façon».
Quelques réflexions et propositions
Dans le deuxième temps consacré aux propositions de chacun, Maître Hoche a entamé le tour de table en revenant sur la redéfinition du statut de l’exploitant agricole. Pour lui, il faudrait aussi moderniser le statut du fermage, «par exemple, en ayant un fermage équivalent par bassin de production - et non plus par département -, cela éviterait de très grandes disparités dans un même secteur».
Si le notaire préconise plus de souplesse sur les causes de fin de bail, il souhaiterait plus de prise en considération du preneur. «Pourquoi ne pas autoriser des sous-locations encadrées ou ponctuelles ? Nous sommes, par ailleurs, pour la suppression du contrôle des structures, mais ceci pour mettre en place un permis d’exploiter», soulève-t-il.
Autant de pistes de réflexion qui ont déclenché de fortes réactions dans la salle. Pour Sébastien Richard, l’important est de remettre de la mobilité dans le foncier pour faciliter l’installation des jeunes. «Pourquoi ne pas limiter la taxe du foncier non bâti, la TFNB, aux minima des fermages départementaux pour assurer suffisamment de rentabilité aux propriétaires ? La fiscalité conditionne la mise à bail», dit-il.
Autre proposition avancée : l’exonération de la TFNB pendant les cinq premières années d’installation. Dans le cadre de la mission parlementaire, dont il est le co-rapporteur, Dominique Potier et les autres parlementaires vont se pencher sur l’histoire de la politique foncière en France, et établir un état des lieux des politiques menées dans d’autres pays. «Nous allons explorer la question des actifs agricoles, et il est de la responsabilité de la profession de clarifier ce qu’est un actif.»
Pour lui, enfin, ce n’est pas dans le cadre de la loi quelconque qu’il faut imposer des éléments sur le foncier, mais il faut préparer une loi dédiée à cette question. Cependant, le député «n’exclut pas des mesures d’urgence et transitoires pour éviter les dérives actuelles sur le foncier, précise-t-il. La régulation du foncier doit être au service de celui qui en a le plus besoin et non celui qui a le plus de moyens».
La SNFM va désormais plancher plusieurs jours pour rendre en mars des conclusions de ce congrès «claires et constructives».