Traité transatlantique : la France et l’Allemagne disent stop
Si, du côté français, mais aussi à Berlin, l’interruption des négociations de libre-échange entre l’UE et les Etats-Unis est jugée inévitable, Bruxelles et Washington sont bien décidés à les poursuivre.
«Les négociations continuent», a souligné le 30 août dans un tweet la commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, peu après que le secrétaire d’Etat français au commerce extérieur, Matthias Fekl, ait annoncé son intention de demander, «au nom de la France, l’arrêt des pourparlers du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP)». Cette demande serait formulée «à la fin du mois de septembre, lorsque les ministres du commerce extérieur (de l’UE) se réuniront à Bratislava» (les 22 et 23).
Le même jour, la Commission a enjoint à l’Irlande de récupérer auprès d’Apple 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux jugés illégaux, ce qui pourrait peser sur les discussions euro-américaines.
«Rien n’avance»
«Il faut un coup d’arrêt clair, net et définitif pour pouvoir reprendre les discussions sur de bonnes bases, des bases modernes, a insisté le secrétaire d’Etat français au commerce extérieur. Les Américains ne donnent rien ou alors des miettes (...). Ce n’est pas comme ça qu’entre alliés on doit négocier».
Deux jours auparavant, le vice-chancelier allemand et ministre de l’Economie, le social-démocrate Sigmar Gabriel, avait assuré que «les discussions avec les Etats-Unis ont de facto échoué car nous, Européens, ne devons naturellement pas céder à leurs exigences». Selon lui, «rien n’avance». Une déclaration à contresens de la position défendue par la chancelière Angela Merkel, qui estimait encore fin juillet qu’un accord avec Washington «est absolument juste et important et dans l’intérêt absolu de l’Europe».
Une «illusion»
«Notre position n’a pas changé : nous continuons à travailler avec l’objectif d’achever ces négociations avant la fin de l’année», a déclaré, le 30 août également, Josh Earnest, le porte-parole de Barack Obama. Le représentant américain pour le commerce, Mike Froman, étant, pour sa part, selon son porte-parole, «impatient de poursuivre ce travail lorsqu’il va rencontrer la commissaire européenne au commerce Cecilia Malmström dans les semaines qui viennent».
Le même jour, à Paris, le président François Hollande déclarait que la France ne voulait pas «cultiver l’illusion» d’un accord «avant la fin de l’année» et «la fin du mandat» du président américain.
Quant à la Commission de Bruxelles, elle «négocie cet accord commercial sur la base du mandat unanime que les Etat- membres de l’UE lui ont donné en 2013», a rappelé son porte-parole, Margaritis Schinas. «Bien que les négociations commerciales prennent du temps, la balle continue de rouler et la Commission a fait des progrès constants dans les pourparlers en cours», a-t-il ajouté.
La prochaine série de pourparlers sur le TTIP est prévue en octobre. En attendant, plusieurs organisations françaises ont elles aussi demandé l’arrêt des négociations avec les Etats-Unis. Alors que le président de la République, François Hollande, et la chancelière allemande, Angela Merkel, se réunissaient à Evian, le 2 septembre dans le cadre des Rencontres franco-allemandes, la FNSEA rappelait dans un communiqué son souhait qu’un «coup d’arrêt définitif» soit donné aux négociations du TTIP. Pour le syndicat, «aucune concession accordée par les USA, quelle que soit son ampleur, ne peut se faire au détriment du secteur agricole européen». La FNSEA demandait à François Hollande de porter un message «de fermeté» auprès d’Angela Merkel, et au prochain G20, de «défendre sans concession le modèle économique, social et environnemental de notre agriculture, ainsi que la qualité et la diversité de notre alimentation».
Enfin, l’interprofession bovine (Interbev) souhaiterait que Paris suspende aussi l’accord de libre-échange avec le Canada, le Ceta, «aux enjeux et vices parfaitement similaires», qui pourrait être ratifié en fin d’année. «Déséquilibré, cet accord est irrespectueux des attentes des citoyens français en matière d’alimentation», explique Interbev. Selon l’interprofession, cet accord «contribuera à accélérer, encore un peu plus, la disparition de bovins de races à viande français».