Azote sur blé : quelle conduite à tenir face à l’envolée des prix ?
Vous êtes déçus des rendements en blé en 2021, vous voyez les prix de l’azote s’envoler, vous êtes tentés de baisser les doses et de simplifier le fractionnement pour 2022... quelle conduite à tenir en ce début de campagne mouvementé ? Les réponses d’Arvalis-Institut du végétal.
Vous êtes déçus des rendements en blé en 2021, vous voyez les prix de l’azote s’envoler, vous êtes tentés de baisser les doses et de simplifier le fractionnement pour 2022... quelle conduite à tenir en ce début de campagne mouvementé ? Les réponses d’Arvalis-Institut du végétal.
Pour des raisons techniques, mais aussi et surtout économiques, on pourrait être tentés de revoir à la baisse les doses d’azote sur les blés en cours de semis. En région Haut-de-France, la réponse habituelle du rendement en fonction de la dose d’azote est en moyenne de 40 q/ha. Pour cette raison, on a souvent considéré comme identiques l’optimum technique (la dose du bilan réajustée avec un OAD, outil de pilotage) et l’optimum économique. Mais avec les prix de l’azote qui s’envolent, on se doute bien qu’à partir d’un moment, les deux optima doivent finir par se dissocier.
À partir de l’analyse des essais courbes de réponse à l’azote réalisés en région, ont pu être constituées différentes matrices illustrant la déformation de l’optimum technique d’azote à apporter dans une parcelle, en fonction de deux critères économiques : le prix de l’azote, mais aussi celui du blé.
Souvent les prix de l’azote et du blé sont liés (essentiellement pour des raisons de fret et de production), c’est pour cela qu’on se situe souvent dans la zone blanche du tableau ci-contre, où les optima sont confondus. Mais si l’on considère que le prix de l’azote grimpe beaucoup plus vite que celui du blé, et si on ne peut pas avoir accès à la quantité d’engrais nécessaire à cause d’un manque d’approvisionnement, alors il faudra envisager d’optimiser le plus possible l’efficacité de son engrais.
Attention aux raccourcis faciles
Ainsi, si vous avez acheté votre azote (ammonitrate 27 ou solution azotée 39) jusqu’à 400 €/t et si on vous propose des prix de blé prochaine campagne à 230 €/t et plus : l’optimum technico-économique, basé sur plus de vingt ans d’analyse de courbes de réponse à l’azote en Hauts-de-France, ne change pas... le fractionnement non plus... et un OAD peut toujours vous aider à optimiser finement la dose à épandre. Le risque climatique de mal valoriser cet azote en fin de cycle est estimé à une année sur cinq (voir une année sur dix en risque grave)... certaines courbes de réponse à l’azote cette année ont assez vite plafonné. Par conséquent, on peut entendre çà et là un certain doute sur la valorisation de l’azote. Mais 2022 ne sera pas 2021 : laissez tomber les raccourcis trop faciles ; cette année 2021 n’était pas représentative.
Si vous achetez l’azote en ce moment à plus de 500 €/t... il faudra réduire votre fumure par rapport à l’optimum d’au moins 20u, ou... il y a vraiment pénurie d’azote et vous n’êtes pas couverts pour tout, et vous serez alors obligés de réduire votre dose à apporter.
Baisser l’azote, OK, mais comment ?
Tout d’abord, prendre soin de mesurer le reliquat en sortie d’hiver le plut tôt possible et sur la profondeur totale de son sol (en cas de sol profond, effectuer les reliquats sur toute la profondeur, donc sur 0-30, 30-60 et 60-90 cm). Cela permet d’estimer au plus juste la dose totale prévisionnelle. Surtout ne pas baisser la dose en fin de cycle ! Plutôt au début. C’est là où des économies peuvent être faites en fonction de l’année, car en hiver le faible rythme de croissance du blé et la lixiviation représentent des risques de mauvaise valorisation. Mais oui, il faut un minimum d’épis/m2 quand même : donc vous pourriez être tentés de gonfler les densités de semis ? N’en faites rien ! Vous ne feriez qu’accroître les besoins en azote précoce. Plus vous avez de plantes/m2, moins bon est le tallage (nombre de talles/plante).
Essayez de supprimer le premier apport au tallage, ou de le décaler le plus possible, 30u-40u au maximum pour amorcer la «pompe», en tout cas, c’est là qu’il faut réduire, et anticipez le stade Epi1cm de sept à dix jours, puis revenez vers le stade 2 nœuds. Pour vous aider à mieux décider, lors du tallage notamment, il est évidemment possible de réaliser un reliquat en sortie d’hiver, mais aussi d’utiliser une bande en double densité de semis (B.D.D. ou Limaux), une méthode simple pour piloter le premier apport d’azote. Le nombre de plantes plus important entraine la consommation du stock d’azote minéral du sol plus rapide. Ainsi, si une décoloration jaune est observée à partir de fin janvier dans la B.D.D. traduira une carence précoce et permettra d’anticiper l’apport sans aucun préjudice pour le reste du champ. Cette méthode fonctionne très bien et vous indique quand les besoins du blé vont réellement démarrer. Pour cela, pensez dès maintenant à réaliser une bande où vous sèmerez à double densité. Donc, on décale, on fractionne un maximum pour bénéficier le plus possible des meilleurs créneaux météo et maximiser le CAU (coefficient d’utilisation de l’azote).
Toute unité d’azote épandue doit être absorbée
Attention, le créneau Epi1cm-2N est maintenant très risqué, car souvent très sec, même pour notre région : une année sur deux pratiquement. Ne supprimez pas arbitrairement le dernier apport à dernière feuille, c’est celui qui rapporte le plus en rendement avec les variétés actuelles qui ont souvent de gros PMG et une excellente fertilité épis. En plus du rendement, l’apport tardif rapporte également plus en protéines ; même si vous n’êtes pas convaincus que la protéine paye, vous cultivez majoritairement beaucoup de variétés qui ont des teneurs en protéines intrinsèques assez basses (Chevignon, Campesino, KWS Extase...) : les prix de blé proposés aujourd’hui ne seront pas honorés si la qualité n’est pas là, il est donc risqué de faire abstraction de la fin de cycle pour ces deux raisons. Pour ceux qui y ont accès, il est toujours possible d’avoir recours à des engrais organiques, tels des lisiers ou des digestats, pour le début de cycle notamment : les performances de ces engrais aux stades précoces sont moindre, du fait de la plus faible quantité d’azote minéral par rapport aux engrais de synthèse.