Des expérimentations variétales pour répondre aux enjeux
Cette année, les Chambres d’agriculture des Hauts-de-France ont franchi un palier dans l’organisation de leur traditionnelle plateforme d’essais. Celle-ci, installée à Catenoy, dans l’Oise, a multiplié les sujets d’études.
Il est bien loin le temps où les essais consistaient en des comparatifs de variétés de blé, de colza, de pois ou d’escourgeon ou en des conduites différentes pour apprécier l’efficacité de différents produits phytosanitaires. Cette année, les thématiques étaient nombreuses, organisées en quatre pôles, qui accueillaient de nombreux partenaires et des conférences ou démonstrations : itinéraire technique blé tendre, qui reste quand même incontournable, énergie et approvisionnement biomasse, cultures à bas niveau d’intrants et fertilité biologique des sols.
Car le réchauffement climatique, les résistances aux maladies, les interdictions ou réductions de phytosanitaires à venir et le développement de la méthanisation sont des pistes que les Chambres des Hauts-de-France souhaitent explorer. «Pour choisir vers quoi nous allons orienter nos expérimentations, nous essayons de nous mettre à la place des agriculteurs. Choisir des variétés résistantes aux viroses et éviter les traitements, sauvegarde de la fertilité des sols, produire de la biomasse pour alimenter le digesteur, produire des plantes à haute valeur ajoutée pour se diversifier et construire des filières sont des sujets développés en 2019», détaille Virginie Météry, responsable expérimentation des Chambres Hauts-de-France.
Variétés de blé : les incontournables
Les agriculteurs se sont donc déplacés en nombre pour découvrir les premières pistes de réponse à leurs interrogations. Premier stand classique, celui des variétés de blé, où il s’avère que Chevignon reste la variété actuelle numéro 1. Et c’est justifié : régulière, adaptée à tous les types de sols, bien classée en maladie, son seul défaut reste sa sensibilité à la verse et un PS et un taux de protéines inférieurs à certaines autres variétés.
Avec 6 000 ha en multiplication, Chevignon a encore de l’avenir dans les plaines des Hauts-de-France. Autre variété incontournable, Complice, même si elle présente quelques défauts en maladies. Son principal intérêt est sa polyvalence et ses bons résultats en petites terres.
Variété adaptée à un blé sur blé, Lyric, malgré sa sensibilité à la rouille jaune, reste intéressante. Dans le même genre, Advisor est intéressante en blé de blé. Autres valeurs sûres, mais légèrement en deçà de Chevignon : Absalon, Rubisko, Ténor et Boregar. Sacramento reste la troisième variété française.
Enfin, les variétés qui pourraient devenir les stars de demain : Sy Adoration, bien notée en maladies et verse, à éviter en petites terres ; Winner (Desprez), inscrite en Italie, mais qui doit confirmer en DHS (description, homogénéité et stabilité) et Providence. Autres variétés qui pourraient faire le bonheur des agriculteurs du Nord et du Pas-de-Calais, car mieux adaptées, Lexio et Campesino. Enfin, pour des éleveurs, Portus est à fort rendement paille, et bien derrière maïs.
Produire de la biomasse
Autre pôle de la plateforme et qui a rencontré son public, celui des céréales immatures. Il s’agit d’essais de mélanges d’espèces ou d’espèces seules, semées début octobre et destinées à être récoltées en mai. Ces plantes sont destinées à produire la plus forte biomasse en vue d’approvisionner un méthaniseur ou servir de fourrage. On mesure alors à trois dates la productivité et le pouvoir méthanogène de la culture. Sont testés entre autres, à Catenoy, un mélange Silvescia (seigle + vesce velue), un mélange triticale + pois, un seigle hybride, un mélange de trois blés, un mélange triticale + pois + vesce + avoine et des mélanges céréales + légumineuses.
Le résultat est sans appel : ce sont les céréales qui donnent le plus fort pouvoir méthanogène. Les céréales pures sont mieux que les mélanges, le seigle est mieux que le triticale, et c’est le seigle hybride, Su Performer, qui donne la plus forte matière brute : 40 t/ ha au 15 mai. De plus, il est résistant à la verse et résiste bien aux maladies.
A noter que ces essais sont réalisés avec un apport d’azote, mais sans utilisation de produits phytosanitaires. Après la récolte de ces cultures, par exemple, un seigle immature, un maïs, du sarrasin, du sorgho ou une autre culture fourragère seront semés. Le sorgho donne d’ailleurs de meilleurs résultats que le maïs, et on peut espérer dégager une production d’énergie de 10 à 11 000 m3/ha de biogaz.
Des niches à construire
Autre stand qui se voulait ouvert sur d’autres horizons, celui des cultures à bas niveau d’intrants. Il s’agit de cultures de printemps, dont l’introduction pourrait permettre de casser le cycle d’adventices qui se développent dans les traditionnelles rotations orge/blé/colza. Ces cultures supportent la sécheresse, et sont donc adaptées au réchauffement climatique. De plus, elles ne demandent que peu d’azote.
Il s’agit de la chia, du pois chiche, du lupin blanc, du sorgho, du sarrasin, du carthame, du tournesol et du sainfoin. Ces plantes présentent souvent l’avantage d’avoir des racines pivot profondes qui ont une action bénéfique sur la structure du sol. Leur intérêt agronomique est indéniable, même si leur réussite requiert des sols drainés et des conditions estivales affirmées. Le sainfoin a même une propriété vermifuge pour les caprins et les équins et, utilisé en pâturage tournant, car sensible au piétinement, il peut être une alternative naturelle.
Mais ces cultures de niche, malgré leur forte valeur ajoutée potentielle, peinent à trouver des débouchés dans des régions comme les Hauts-de-France. Les chambres d’agriculture entendent travailler avec les agriculteurs à la recherche de diversification à la constitution de véritables filières. Ces essais sont le premier pas dans cette démarche.