Vulpin et ray-grass sont les bêtes noires des agriculteurs de la Somme. En plaine, la situation actuelle semble plus engageante que l’an dernier à la même date, mais tout n’est pas joué pour autant. Certes, toutes les parcelles ne sont pas parfaitement propres, mais elles sont souvent à un niveau acceptable de salissement.

Rappelons qu’en application du commandement n° 9 «tu devras t’interdire toute grenaison massive» (cf. encadré), certains semis ont déjà été retournés ou le seront en sortie d’hiver face à une population de ray-grass difficilement maîtrisable. Ces situations auraient produit massivement de nouvelles graines en juin et augmenté considérablement le stock de graines. Pour cette campagne, ces situations sont généralement liées à des semis réalisés sans labour derrière pommes de terre ou betteraves, avec repiquage des ray-grass levés tardivement cet automne sans application de glyphosate (non-respect du commandement n° 4 : tu t’interdiras tout risque de repiquage). Dans ce cas de figure, des touffes de ray-grass ont été constatées au stade plein tallage alors que la céréale n’était qu’à une feuille.

Le contexte du mois d’octobre 2024 a été propice à la mise en place des commandements numéro 5 et 6 : «tu devras repenser ta coordination labour TCS» et «tu devras travailler tes dates de semis». Ces éléments ont plus été rendus obligatoires par les conditions météo que par un vrai choix stratégique. Mais les résultats sont là : les semis réalisés à partir du 20 octobre avec labour se retrouvent globalement propres, surtout s’ils ont été désherbés au stade 1 feuille, ou dès le semis en profitant de conditions de sols humides propices à leurs efficacités.

En moyenne, les dates de semis ont été plus tardives cette année, conséquence directe des pluies incessantes de début octobre interdisant quasiment tout chantier de semis en non labour, et du retard des chantiers d’arrachage et d’ensilage. Au-delà du décalage de la date de semis, ces conditions ont provoqué une seconde conséquence : la décision de relabourer certaines parcelles pour pouvoir respecter des plannings de semis chargés dans certaines exploitations. Le décalage de la date de semis couplé à un labour plus systématique aura permis de baisser la pression graminée.

Malgré tout, le retour de conditions météo plus propices a permis, dans les derniers jours d’octobre et début novembre, de retenter des semis sans labour en conditions correctes. Là aussi, les résultats sont probants dès lors qu’un glyphosate aura été effectué avant semis. Dans ce cas contraire, certaines situations sont catastrophiques. La technique consistant à attendre d’avoir semé la céréale avant de réaliser un glyphosate, dès lors que la céréale n’est pas pointante, montre parfois ses limites. Selon l’intensité du travail du sol, des pieds de ray-grass et de vulpins restent recouverts par un peu de terre et ne sont pas atteints par le produit.

Quelles solutions chimiques ?

L’heure est venue d’activer le commandement n°8 : «Tu devras désherber en alternant les modes d’actions». Le mois de janvier est souvent mis à profit pour réaliser les «achats mortes saison» en vue des semis de printemps. C’est le moment idéal pour repenser ses itinéraires techniques en s’efforçant d’alterner le plus possible les modes d’actions de désherbage. Pour rappel, chaque matière active herbicide est classée selon son mode d’action. Chacune de ces classes est indépendante. Cela veut dire qu’une plante résistante à un mode d’action ne l’est pas forcément pour les autres. Il est donc préférable d’utiliser des molécules dans des modes d’actions différents afin de réduire globalement la pression de résistance. Cette pratique limite aussi bien les résistances aux graminées que celles aux dicotylédones dont quelques-unes deviennent de plus en plus difficiles à détruire. Pour rappel, le problème ray-grass et vulpin provient essentiellement d’une résistance aux sulfonylurée (HRAC 2) et au FOP/DEN/DYME (HRAC 1). L’utilisation de tout autre mode d’action rendu possible selon les cultures de printemps choisies ne pourra être que bénéfique.

Malheureusement, l’offre herbicides se réduit à nouveau cette année. Le S-métolachlore  (Mercantor Gold – Dual Gold) n’est plus utilisable depuis juillet 2024, et l’Avadex 480 (H RAC 15) sera retiré sur toute culture à partir du 29 mars 2025. Pour ce dernier produit à base de triallate, il s’agit d’un retrait de produit commercial et non pas de la matière active. Une nouvelle formulation est toujours en attente. De ce fait, sur culture de printemps, il restera possible de s’appuyer sur le prosulfocarbe (H RAC 15) notamment sur pommes de terre dans un objectif ray-grass avant tout ; la pendiméthaline (H RAC 3) notamment en maïs et pois protéagineux dans un objectif vulpin avant tout ; le DMTA p (H RAC 15) notamment sur betteraves et maïs dans un objectif ray-grass-avant tout ; et sur la propyzamide (HRAC 3) sur vulpin et ray-grass en chicorées et endives. Point d’attention : en 2024, les associations d'herbicides Select-Stratos ont donné des résultats parfois extraordinaires. Mais ceci à lier à des conditions climatiques très favorables à leur efficacité. Ces résultats ne seront néanmoins pas reproductibles tous les ans, car ces deux produits sont des Fop, Dime et Den, donc appartiennent au groupe H RAC 1.

Quelles évolutions réglementaires pour 2025 en betteraves sucrières ?

La culture de la betterave sucrière voit une nouvelle fois son lot d’évolutions réglementaires pour l’année 2025. Pour la partie désherbage en pré-levée, le S-metolachlore (Mercantor Gold) est interdit depuis le 23 juillet 2024. Toujours en pré-levée, Avadex 480 vit ces derniers moments puisque le produit est homologué jusqu’au 29 mars 2025 en utilisation. Son efficacité porte sur les infestations de graminées à condition d’avoir de l’humidité au sol pour rendre active sa matière active (triallate). À partir du 30 mars 2025, seul Goltix Duo/Tornado Combi (éthofumésate + métamitrone) en pré-levée pourra apporter une efficacité sur graminées. Dans la gestion des graminées, avec la perte des spécialités de pré-levée, il faudra mettre en place tous les leviers du désherbage durable car les interventions en post levée restantes avec des produits de la famille des Fop ou Dim sont parfois insuffisantes, surtout lors de présence de graminées résistantes.
En désherbage de post-levée, les spécialités commerciales Safari (triflusulfuron) et Safari Duoactive pour 2025 sont interdites depuis le 20 août 2024. Pour la gestion de nombreuses flores dicotylédones, le Rinskor (nouvelle famille chimique avec un nouveau mode d’action) de la société Corteva est attendu pour 2025. Il devrait être particulièrement efficace sur chénopodes.
Si la météo le permet, du binage pourra compléter l’efficacité du désherbage à partir de 4 feuilles vraies et jusqu’à 10-12 feuilles de la betterave sucrière.
En fongicide, Propulse/Yearling (prothioconazole 125g+ fluopyram 125g/l) a été homologué l’été dernier avec une efficacité sur cercosporiose.

Les dix commandements de la Chambre d’agriculture pour retrouver une parcelle propre

N°1 : Tu devras t’interdire tout apport de graines extérieures
N°2 : Tu devras réaliser de bons faux-semis à la bonne date
N°3 : Tu devras les détruire à la bonne date
N°4 : Tu devras t’interdire tout repiquage en interculture
N°5 : Tu devras repenser ta coordination labour-TCS-SD
N°6 : Tu devras travailler tes dates de semis
N°7 : Tu devras semer efficacement
N°8 : Tu devras désherber en alternant les modes d’actions
N°9 : Tu devras t’interdire toute grenaison massive
N°10 : Tu devras prendre le réflexe rotation