Dossiers de la Somme avec le préfet, avant son départ
Le préfet de la Somme, Philippe de Mester, quittera son poste le 15 janvier pour prendre ses nouvelles fonctions de directeur général de l’Agence régionale de santé de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dernier tour d’horizon des grands dossiers qu’il a gérés dans la Somme.
Comment qualifieriez-vous les trois années que vous avez passées à la tête de la préfecture de la Somme ?
La terre picarde a été confrontée à une grande actualité durant ces trois années avec des événements à la fois positifs et négatifs. Dès mon arrivée, le 1er janvier 2016, Amiens perdait son statut de capitale régionale avec la fusion des régions et la création des Hauts-de-France. Cela s’est traduit, sur le terrain, par l’expression d’un certain malaise, voire un sentiment de déclassement. Mon rôle a donc consisté à expliquer que ce n’était pas la fin du monde. Certes, nous perdions un potentiel administratif, mais il fallait se retrousser les manches pour trouver un nouveau destin. Tel a été l’axe principal de mon travail.
Pour recréer une nouvelle dynamique, qu’avez-vous fait ?
Une des grandes craintes des élus était le repli complet des services publics et administratifs à Amiens. Ce ne sera pas le cas, puisque l’Etat a investi dans la construction d’une nouvelle cité administrative regroupant les fonctionnaires, dans la Zac de la Vallée, ce qui a permis de relancer par la même occasion cette zone qui périclitait. Cette cité ne sera pas seulement le regroupement de bureaux, mais également celui de services. Sa mise en service devrait avoir lieu en 2023. De même, un nouvel hôtel de police devrait voir le jour fin 2022 ou début 2023, à Amiens Nord, rue Zamenhof. Pour ces deux constructions, l’Etat a investi plus de cent millions d’euros.
Par ailleurs, nous avons achevé le regroupement de l’hôpital. Enfin, après la fermeture de Whirlpool, nous avons œuvré pour sauver un maximum d’emplois et nous avons travaillé à la réindustrialisation du site. Des projets sont à l’étude. Au final, après le cataclysme économique qui s’est abattu sur le territoire, l’agglomération amiénoise est plutôt dans une dynamique positive. Reste que, hors d’Amiens, le département est plutôt dans une situation difficile.
Votre arrivée coïncide avec la refonte des intercommunalités. Etes-vous satisfait du résultat ?
Cette réforme a été difficile à mettre en œuvre, surtout dans un département que je ne connaissais pas. Je n’avais donc pas d’autre choix que de m’inscrire dans les pas de mon prédécesseur. Au final, trois ans après, le résultat est inégal. Pour certains regroupements, les mariages ont été réussis, pour d’autres, ils ont été contraints. Dans tous les cas, nous n’avons eu de cesse d’apporter un conseil permanent aux collectivités sur ce sujet.
Quels sont les grands événements que vous retiendrez de votre séjour ?
Mon séjour a été marqué par le sommet franco-britannique, le 3 mars 2016 et, bien sûr, les commémorations pour le centenaire de la Première Guerre mondiale, tout cela dans un contexte de menace terroriste extrêmement fort. Une fois cela dit, nous avons eu la chance de recevoir le monde entier. C’était super et très enrichissant pour notre territoire. A présent, après le centenaire, l’objectif est d’entretenir cette mémoire au travers du tourisme mémoriel. Pour ce faire, plusieurs pistes sont à l’étude, dont un centre d’interprétation à côté de la cathédrale afin d’assurer la promotion de ce tourisme mémoriel, et un centre d’immersion à Amiens, de style John Monash, avec des investissements privés. De même, des financements seront apportés au centre de recherches de Péronne par l’Etat, et des liens devront être créés entre ce centre et le pôle universitaire Jules-Verne.
Quelle est l’analyse que vous faites de l’agriculture samarienne ? Comment voyez-vous son avenir ?
La grosse question est incontestablement l’avenir de l’élevage. Des mesures ont été prises avec le Département et la Chambre d’agriculture de la Somme pour aider les éleveurs à voir clair dans leurs exploitations. Reste que le prix du lait est bien trop bas, ce qui fragilise d’autant plus la filière. Force est de constater que beaucoup d’agriculteurs arrêtent l’élevage. C’est inquiétant. Et, à cela, s’ajoute le fait que nombre de jeunes agriculteurs sont rebutés par les contraintes de l’élevage et sont donc peu enclins à se lancer dans cette production.
Par ailleurs, si la fin des quotas sucriers va avoir des conséquences sur la production betteravière et peut susciter des inquiétudes, la présence d’un outil industriel est un point positif. Cette dérégulation des marchés entraînés par le fin des quotas est aussi subie par la filière céréalière en raison de marchés mondiaux très durs. Mais la force de notre département est que nous possédons les terres les plus productives du monde.
Quelles sont les autres forces de l’agriculture samarienne ?
Un grand nombre d’agriculteurs sont très ouverts aux évolutions technologiques et sont prêts à s’engager à la fois dans la réduction des pesticides et l’introduction des nouvelles technologies dans leurs exploitations. Pour moi, l’agriculture samarienne possède des ferments d’une grande modernité. Une des premières richesses de notre département est bel et bien l’agriculture.
Quel sera l’avenir de l’abattoir de Montdidier ?
Nous avons tout fait pour laisser la possibilité à un nouvel abattoir de voir le jour. J’ai même pris un risque personnel en maintenant l’ouverture de cet abattoir en dépit de conditions sanitaires déplorables. Mais je ne trouve pas en face de moi une vraie volonté d’aboutir sur ce dossier, car les repreneurs potentiels s’interrogent fortement sur la faisabilité économique de l’outil. Le tribunal de commerce doit statuer le 31 janvier prochain, date à laquelle les repreneurs potentiels devront aussi prendre une décision. Je ne serai plus là pour accompagner ce dossier, mais je crains que la fermeture de l’abattoir ne soit inéluctable.