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Filière lait : Senagral passe à l’année civile

Pas d’exclusivité chez Senagral, mais une non-cessibilité des contrats.

«La maîtrise de la production est perçue comme un filet de sécurité», précise Gilles Sanzey, responsable approvisionnement.
«La maîtrise de la production est perçue comme un filet de sécurité», précise Gilles Sanzey, responsable approvisionnement.
© S. Leitenberger

Avec la disparition des quotas au 1er avril 2015 et la mise en place de la contractualisation, l’entreprise privée Senagral a effectué quelques modifications dans son fonctionnement. Un volume contractuel à respecter est attribué aux organisations de producteurs et aux producteurs adhérents comme avant le 1er avril, mais certaines modalités ont changé.
Le contrat, c’est l’organisation de producteurs qui gère les négociations. Conformément à la législation, s’est mis en place un système d’organisations de producteurs (OP) qui gère les relations entre les producteurs et la laiterie. L’Organisation principale des producteurs de lait Senagral, Oplase, a été créée en automne 2014 en vue de la levée des quotas.
Senagral négocie avec quatre Organisations de producteurs, seuls quinze producteurs ne sont pas associés à une OP mais, à terme, Senagral préférerait que tous les producteurs soient adhérents d’une organisation pour faciliter les négociations. «Maintenant, on gère conjointement avec l’Oplase les volumes contractuels attribués à chaque producteur. Nous n’avons pas besoin de volumes supplémentaires, c’est pourquoi nous n’avons pas augmenté le volume global contractualisé . C’est clair qu’après la disparition des quotas, il y a peu de chose qui change à part qu’il n’y a plus d’Administration et qu’il y a eu la création d’OP», explique Gilles Sanzey, responsable approvisionnement lait chez Senagral.

Campagne laitière = année civile
Grosse nouveauté, la campagne laitière correspond désormais à l’année civile. Avant, les quotas devaient être réalisés entre le 1er avril et le 31 mars. Aujourd’hui, chez Senagral, les contrats devront être remplis du 1er janvier au 31 décembre.
«Cette année, avec la disparition des quotas, nos éleveurs devront réaliser 75 % de leur droit à produire inscrit sur leur contrat pour fin décembre. Ce sera donc une année de neuf mois, explique Gilles Sanzey. L’exercice comptable est plus cohérent avec l’année civile. L’organisation de producteur était d’accord pour appliquer cette disposition contractuelle dès cette année.»

Toujours une pénalité en cas de dépassement
Tout comme avant les quotas, s’il y a un dépassement, une pénalité de 286,60 € /1000 l sera imposée. C’est l’organisation de producteur qui gère les dépassements.
«Si la pénalité est toujours en vigueur, c’est pour ne pas déresponsabiliser les producteurs. C’est important de contrôler la gestion de nos volumes. Si on laisse tout le monde produire comme il veut, que ferons-nous du lait supplémentaire ? La maîtrise de la production est comme un filet de sécurité pour nous. S’il y a trop de lait sur le marché, les cours s’effondrent et on ne régule plus rien. L’entreprise sait de combien de litres elle a besoin, pour répondre à ses clients», précise le responsable approvisionnement.
A savoir qu’une allocation provisoire d’1% a été décidée avec l’organisation de producteur. Toutefois, cette allocation n’a rien de nouveau puisqu’elle existait déjà avant la levée des quotas.

La loi de l’offre et de la demande
Gilles Sanzey explique pourquoi la production ne peut pas être augmentée. «Chaque entreprise va faire en fonction de ses besoins. Si nous avons besoin de plus, alors nous demanderons plus de lait à nos producteurs. Mais, aujourd’hui, nous n’avons pas besoin de volume supplémentaire. Nous ne fonctionnons que sur un prix A et nous n’avons qu’un seul débouché : les PGC (produits de grande consommation), à savoir, les produits frais à marque de distributeurs.»
Senagral a été reprise il y a quelques mois par la coopérative Agrial. «Depuis le 1er janvier 2015, Agrial détient la totalité́ des titres de Senagral et est donc l’actionnaire unique de l’entreprise. Agrial, impliquée dans la transformation laitière, souhaite au travers de cette prise de contrôle poursuivre son développement dans l’ultra-frais laitier et conforter sa place d’acteur majeur en France et en Europe. Le groupe Senoble, au bénéfice d’une croissance forte dans le segment des desserts frais et surgelés, souhaite se développer majoritairement dans ce domaine d’activité́», peut-on lire dans un communiqué Agrial.

Marché global à deux niveaux
«Nous observons un marché global à deux niveaux. D’un côté, l’Europe du Nord, qui produit à fond, avec au mois de mai 2015 l’Irlande à + 14 %, la Hollande + 8 %… Il va y avoir une masse importante de lait. La production va excéder de loin la consommation. De l’autre, des pays qui, comme nous, continuent de maîtriser leur production. Mais, du coup, on assiste à un effondrement des cours, ce qui va rendre les choses difficiles pour résister à cette «crise». L’année dernière, la Chine avait acheté exagérément au premier trimestre et, avec l’embargo maintenu, la Russie n’est aujourd’hui plus sur le marché. Du coup, le prix du lait est en dégringolade et les éleveurs sont en difficultés. Tout se cumule», précise Gilles Sanzey.
Senagral peut encore maintenir un prix cohérent, correspondant au contrat, au producteur, car la production réalisée correspond à ses besoins contrairement à d’autres laiteries qui doivent se baser sur un prix très inférieur à la moyenne. En juillet, le lait a été payé 345 € des 1 000 litres au producteur.

Gros changements en 2015
Aujourd’hui, on ne parle donc plus en quotas, mais en contrat. «Conformément aux décisions de l’Oplase, un producteur qui arrête ne pourra pas céder son contrat à un autre. Avant, un producteur cédait tout ou partie de son quota avec la vente de ses terres. Maintenant, il n’y a plus de lien entre le foncier et le quota, puisqu’il n’y a plus de quotas. Si l’éleveur arrête, son contrat disparaît, l’Oplase récupère le volume et le réattribue aux producteurs adhérents à l’organisation de producteur, et désirant produire plus», précise Gilles Sanzey.
La cessibilité donnait une valeur au contrat. Aujourd’hui, l’éleveur ne peut plus vendre son volume. Ce que l’on peut donc comprendre, c’est qu’avant le droit à produire avait une valeur. Toutefois, l’apparition de contrats chez Senagral n’est pas synonyme d’exclusivité. En effet, l’éleveur n’a pas de «contrat exclusif», il peut donc s’associer à une autre laiterie, qui fonctionne elle aussi, sous ce régime de non-exclusivité. Cela signifie donc, qu’en théorie, un éleveur pourra vendre sa production supplémentaire à une autre laiterie plutôt que d’avoir une pénalité… Mais pas sûr que la théorie soit appliquée…


Le saviez-vous ?

Senagral est spécialisée dans la fabrication de produits laitiers ultrafrais vendus essentiellement à marques distributeurs (MDD). Elle détient quatre usines et une plateforme de distribution en France. Ces sites transforment environ 400 millions de litres de lait par an. En 2013, Senagral a réalisé́ un chiffre d’affaires de 626 millions d’euros, en France et à l’exportation vers l’Allemagne et le Benelux.


REACTION

Sébastien Théron, président de l’organisation des producteurs de lait du Vimeu

«On a décidé en OP la non-cessibilité des volumes»

Au sujet du passage à l’année civile, ce n’est que cette année que cela va nous impacter.
On a 75 % du volume à produire du 1er avril au 31 décembre. Là, pour l’instant, on a une dépénalisation du lait d’été. Tout ce qui dépasse un douzième du volume annuel, soit 8,33 %, par mois ne rentre pas dans le contrat. C’était vrai avant, ce le sera demain.
On essaie de négocier avec l’entreprise pour obtenir 100 % de lait dépénalisé cette année, plutôt que d’augmenter le volume. Je milite aussi pour une possibilité de report de volume annuel de 1 à 5 % pour permettre aux producteurs de mieux lisser leurs volumes.
Pour ce qui est de la non-cessibilité des contrats. Jusqu’ici, les quotas étaient non-vendables. Nous, on a décidé en OP de la non-cessibilité des volumes, comme cela se passe dans toutes les autres productions, où l’on n’achète pas de volume à produire. Ce que l’on veut, c’est que grâce à la non-cessibilité des volumes, on favorise les producteurs de lait et non une rente et on peut également ainsi rendre du volume aux jeunes agriculteurs. La non-cessibilité va, selon nous, dans le bon sens, puisque le volume remonte ainsi vers l’OP.

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