La coopérative Micro-Abattoir 80 change de braquet
Ce 15 mars, la coopérative tenait une assemblée générale ordinaire et extraordinaire, à Grand-Laviers. A l’ordre du jour : comment faire démarrer son projet ?
Ironie de l’histoire. Dans les Vosges, l’idée d’un Pôle viande, née à la suite de la crise de la vache folle, en 2001, ne comprenait pas la création d’un micro-abattoir à l’origine, raconte Philipe Mauchamps, directeur du Pôle viande Adequat Vosges, invité à témoigner de son expérience à l’assemblée générale de la coopérative Micro-Abattoir 80. Le but était de créer une coopérative dans le domaine de la viande assurant les services de ramassage mutualisé en ferme, d’abattage, de maturation, de découpe, de conditionnement, de transformation et de livraison par le biais de prestataires. C’est finalement un micro-abattoir qui a vu le jour en juillet 2005.
Dans la Somme, l’idée de départ était de réaliser un micro-abattoir, à proximité de Flixecourt. Mais l’insuffisance des engagements des éleveurs, soit 119 actuellement pour 143 tonnes de viande, ne permet pas de lancer la construction de l’outil. Conséquence : la coopérative Micro-Abattoir a proposé à ses adhérents, le 15 mars dernier, de lancer un appel d’offres permettant de réaliser les prestations futures du «Micro-Abattoir 80». Un changement de braquet par rapport à la stratégie de départ pour «ne pas perdre les marchés, que ce soit ceux des collectivités en recherche de viande locale pour leur restauration, ceux des particuliers en recherche de viande en direct des éleveurs, et ceux des éleveurs en autoconsommation, en projet de valorisation ou de magasin», rappelle Olivier Parcy, trésorier de la coopérative. Avant d’ajouter : «Cette solution intermédiaire est proposée, tout en gardant en tête le projet de Pôle viande à moyen terme.»
Un projet à la peine
Retour en arrière. Fin 2012, des rumeurs courent sur la fermeture de l’abattoir de Domart-en-Ponthieu. Or, si celui-ci ferme, rejoindre celui de Montdidier pose problème, notamment pour les producteurs d’agneaux pré-salés, en raison de leur cahier des charges, qui impose un périmètre à respecter pour avoir l’AOP. Au même moment, un diagnostic agricole révèle que des éleveurs dans les Bas-Champs ont besoin de développer de la valeur ajoutée sur leurs exploitations. Ces derniers, ainsi que des éleveurs d’agneaux pré-salés et la Chambre d’agriculture de la Somme décident de s’organiser pour répondre aux besoins et faire face à l’éventuelle fermeture de l’abattoir de Domart. Sa fermeture effective, début 2013, va accélérer l’idée de tous. Pourquoi, dès lors, ne pas monter un micro-abattoir ?
Une enquête de faisabilité est lancée cette année-là, définissant un potentiel de 600 tonnes entre l’autoconsommation des éleveurs et la vente directe, qui pourrait monter jusqu’à 800 tonnes en deux ans. La question du lieu se pose en parallèle. Pourquoi ne pas remettre en état le micro-abattoir de Domart, qui a subi un incendie ? Trop coûteux. Etablir un partenariat avec l’abattoir de Montdidier. Fin de non-recevoir de ce dernier. Ne reste plus qu’à monter sa propre structure.
Pour ce faire, le 6 mai 2014, est créée l’association «Micro-Abattoir 80». Une étape est franchie l’année suivante avec la création de la coopérative Micro-Abattoir 80, le 6 mai 2015. Il s’agit de se structurer pour faire avancer le projet. Estimation du coût du micro-abattoir : trois millions d’euros à réunir entre les parts sociales des adhérents, des fonds européens et des soutiens financiers des organisations professionnelles agricoles.
Mais le projet ne parvenant pas à fédérer suffisamment d’éleveurs, parfois réticents à la prise de parts sociales notamment, il est revu à la baisse, soit à 300 tonnes, et sous la forme de prestations de services réalisées à partir d’appels d’offres. La construction du micro-abattoir n’est donc plus d’actualité, pour l’heure. «L’idée est d’arriver à
600 tonnes avec un seul d’investissement à hauteur de deux millions d’euros», explique Marie Guilbert, en charge du suivi du projet pour la Chambre d’agriculture de la Somme. «Le fonctionnement sera le même que si nous avions le micro-abattoir, ajoute Olivier Parcy, à savoir que nous proposerons l’allotement, l’abattage, la découpe, la transformation et la livraison, mais nous le ferons avec des prestataires qu’on a en local pour 300 tonnes de volumes travaillées.» La rédaction de l’appel d’offres devrait se faire en juin, les négociations avec les opérateurs en suivant, leur choix en septembre et le lancement en octobre prochain. «Quand les 300 tonnes seront atteintes, poursuit-il, nous lancerons l’avant-projet détaillé de la construction du micro-abattoir», ajoute-t-il.
«Le tout, c’est de trouver du tonnage, s’inquiète un éleveur, présent à l’assemblée générale. Comment on le trouve ?» «Je suis convaincu que si l’on travaille comme cela, on aura du volume d’ici une année. Il y a des marchés porteurs. Il ne faut pas les laisser filer», répond Olivier Parcy. «De toute façon, il faut bien commencer par quelque chose», relève un autre éleveur. La nouvelle stratégie a été votée à l’unanimité par la soixantaine d’adhérents présents.
«Un outil comme cela, insiste le directeur du Pôle viande Adequat Vosges, il faut que ça tourne au moins cinquante-deux semaines. Comme vous, nous avions beaucoup de petits éleveurs et pas assez de gros éleveurs. Réunir beaucoup de monde pour faire tourner l’outil, c’est très difficile, car il y a beaucoup d’attentisme. Mais il ne faut pas se décourager. Les démarrages ne sont jamais simples, mais l’important, c’est de ne pas sur-dimensionner l’outil et ne pas reprendre le modèle des abattoirs industriels. Il faut créer un modèle en fonction des besoins précis des éleveurs. Sinon, cela ne marchera pas.» Si la plus-value de ce type de projet est une solution clé en main pour les éleveurs, «il nécessite un appui permanent», reconnaît le directeur. Le travail ne fait que commencer pour la coopérative Micro-Abattoir 80…