La Région veut bâtir une stratégie pour l’élevage
Le Conseil régional a organisé les Etats généraux de l’élevage le 10 juin à Lille. Après les mesures d’urgence, l’objectif est de trouver des solutions pérennes pour faire face à la crise.
Bâtir une stratégie régionale pour l’élevage Hauts-de-France : c’est l’objectif affiché des Etats généraux de l’élevage qui se sont déroulés vendredi 10 juin au siège du Conseil régional, à Lille. Démarche peu classique, les Etats généraux avaient été annoncés par la Région en début d’année, en même temps que la mise en place du plan d’urgence en soutien à l’élevage. Après les mesures conjoncturelles (plusieurs centaines d’éleveurs doivent toucher, courant juin-juillet, les aides annoncées), ils doivent permettre de trouver des solutions plus structurelles.
Dans l’hémicycle du Conseil régional, où se déroulent habituellement les séances plénières, le public était plus attentif qu’à l’accoutumée. Elus, représentants de syndicats et d’organisations professionnelles ainsi que banquiers, responsables d’industries et même membres de la grande distribution… ils étaient très nombreux dans la grande salle en demi-cercle. Après un moment de plénière destiné à dresser le constat de la situation actuelle dans les exploitations, la journée s’est organisée sous forme d’ateliers de travail devant permettre de dégager des idées, des solutions pour aider les élevages en difficulté et la filière dans son ensemble. Les travaux ont été conduits par l’Institut de l’élevage. Première étape d’une démarche plus longue, elle a abouti à la création de groupes de travail qui doivent présenter un plan d’actions à la fin de l’année.
«La Région devait aider son agriculture, sortir de la tentation des aides ponctuelles et prendre de la hauteur pour apporter des réponses structurantes, a expliqué Marie-Sophie Lesne, vice-présidente au Conseil régional en charge de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Nous travaillons main dans la main avec nos partenaires au premier rang desquels se situe la Chambre d’agriculture régionale.» Marie-Sophie Lesne détaille les deux grands enjeux de cette journée : «Renforcer la compétitivité des exploitations et développer la valeur ajoutée.» «Excusez-nous de prendre cette initiative. Ce n’est pas forcément le rôle du Conseil régional, a reconnu Xavier Bertrand, président du Conseil régional, mais nous avons décidé d’avancer en entraînant d’autres acteurs politiques. Si d’autres collectivités et l’Etat veulent se joindre à nous, c’est bien. On ne va pas se gêner pour aider la filière élevage !» Pour lui, si la Région ne peut avoir d’impact sur les prix, elle peut toutefois jouer un rôle sur la compétitivité et la baisse des coûts de production.
Alors, coup de comm’ de la part de la Région ou véritable solution à la crise dans les élevages ? Seule la mise en place concrète des pistes avancées au cours de cette journée permettra de le dire…
Assurer la durabilité et la pérennité des exploitations
«Les atouts de l’élevage sont nombreux, souligne Fabrice Riquier, chef du département Économie à la Chambre d’agriculture. Nous sommes dans la première région en polyculture-élevage, il y a des outils industriels conséquents et performants.» Parmi les faiblesses, il cite la diminution du nombre d’exploitations ou encore la pression sociétale et les difficultés économiques des éleveurs. Les enjeux pour l’élevage régional sont donc les suivants : le maintien de la compétitivité des outils de production et de transformation, le maintien des emplois par l’augmentation du revenu et de la valeur ajoutée, le renforcement des services rendus pour l’aménagement du territoire et la préservation de l’environnement. Il souligne enfin la nécessité d’un accompagnement des éleveurs pour assurer la durabilité et la pérennité des exploitations via les performances économiques.
Parmi les sujets les plus sensibles, les abattoirs. «Nous avons rencontré la plupart des acteurs et nous avons des projets qui avancent, notamment à Fruges, a signalé Jean-Michel Serres, président de la commission agricole au Conseil régional, sans toutefois en dire davantage. Nous en sommes au stade des engagements des apporteurs, le projet est sur de très bons rails.» Il souligne également la situation «très difficile» pour le porc, avec seulement 700 000 bêtes abattues dans la région et des outils en sous-activité. «En Picardie, il n’y a que trois abattoirs de proximité. Il y a une vraie fragilité alors que la filière de proximité se développe.» Il précise : «La Région accompagnera les éventuels projets.»
Il souhaite également préciser que «ce sera beaucoup plus facile pour la Région d’intervenir pour aider les filières si elles sont bien organisées.» Et de prendre l’exemple de l’œuf «pour qui ça sera facile». «En lait ou en porc, cela sera plus difficile mais nous accompagnerons, ajoute-t-il. En bovin viande, la notion de filière est moins solide, il faudra la consolider.» Enfin, «la recherche et l’innovation sont aussi des aspects importants dans la notion de filière, je vous invite à ne pas ignorer cet aspect-là», demande-t-il. Pour Christophe Buisset, président de la Chambre d’agriculture Hauts-de-France, les éleveurs ont toujours su faire face aux différentes crises : «Nous avons su nous réorganiser, nous réorienter, travailler mieux. Aujourd’hui il faut peut-être davantage produire en fonction du marché.» Il poursuit : «Il faut que l’on développe une identité Hauts-de-France avec tous les acteurs, il faut redonner de la confiance en passant par des projets collectifs, que chaque éleveur se réinvestisse humainement.»
De nombreuses pistes à mettre en œuvre
À la fin de la journée, plusieurs rapporteurs, élus des Chambres d’agriculture, ont présenté une première ébauche, des pistes pour avancer. Pas de vision révolutionnaire mais de très nombreuses idées ont été couchées sur le papier, qui relèvent surtout du bon sens. Parmi celles qui apparaissent à de nombreuses reprises, évoquées lors de plusieurs ateliers, le renforcement de la formation arrive en tête. La nécessité d’avoir dans la région des outils de proximité est aussi soulevée à plusieurs reprises, tout comme la création d’une marque régionale. La marque Hauts-de-France permettrait de valoriser les produits régionaux au niveau local mais aussi et surtout à l’export dont on sent qu’il veut être renforcé. Plusieurs intervenants ont également souligné la nécessité de mieux connaître la demande, les besoins des consommateurs, et de produire en conséquence : il s’agit donc de concilier les attentes de la distribution et les impératifs des producteurs. Le collectif enfin, apparaît pour beaucoup comme un moyen efficace pour faire face à la crise. Qualité de vie, nouvelles technologies, diversification, transformation, énergies renouvelables, environnement… de multiples sujets ont été évoqués (le foncier toutefois laissé de côté) et le chantier semble immense. Beaucoup de questions soulevées lors de cette journée restent néanmoins sans réponses. Les regards et les attentes sont donc tournés vers la Région mais aussi vers la profession. Attendons de voir comment ces pistes prendront réellement forme. La Chambre d’agriculture s’est proposée pour animer la suite des débats. Et après les moissons, en septembre, ce sont les Etats généraux de la filière végétale qui seront organisés.
L’élevage dans les Hauts-de-France
Faut-il vraiment le rappeler ? La place de l’élevage dans les Hauts-de-France est importante. Sur les 25 800 exploitations de la région, près d’une sur deux possède un atelier d’élevage. Le secteur représente 1,7 milliard de chiffre d’affaires. «Ce chiffre d’affaires animal est en stagnation depuis presque 30 ans, souligne Fabrice Riquier, chef du département Economie à la Chambre d’agriculture. Mais sa contribution au chiffre d’affaires agricole régional est en baisse (32 % en 1990 contre 28 % en 2014).»
La région est caractérisée par de nombreux systèmes de polyculture-élevage et des élevages spécialisés (7 200 exploitations) dans les zones herbagères périphériques.
Environ 37 500 emplois sont liés à l’élevage et ses filières et 17 500 emplois sont directement rattachés à l’élevage, dont 13 400 en bovins lait et viande.
En bovin viande, le nombre d’éleveurs a diminué de 30 % entre 2004 et 2014. Le nombre de vaches allaitantes a quant à lui augmenté de 2,9 % entre 2000 et 2010 alors que le nombre de vaches latières est orienté à la baisse (- 15,5 % sur la même période).
La filière laitière Hauts-de-France se place tout de même à la 5e place nationale, avec une exploitation agricole sur cinq qui produit du lait. La région compte 315 000 vaches laitières (57 vaches en moyenne par exploitation).
À noter également, la forte présence et le dynamisme du secteur agroalimentaire.