L’agriculture perd 70 000 hectares par an
Les sols artificialisés continuent de s’étendre. Ils ont gagné 490 000 hectares entre 2006 et 2014. Essentiellement au détriment de l’agriculture, qui a perdu 70 000 hectares par an sur la période.
Les bâtiments, les routes, les parkings, mais aussi les parcs et jardins se développent chaque année sur les terres agricoles et les espaces naturels. Selon Agreste Primeur, ces sols artificialisés ont ainsi gagné 491 000 hectares entre 2006 et 2014, soit environ 60 000 ha/an en moyenne. Ils couvrent désormais 5,1 millions d’hectares, soit 9,3 % du territoire métropolitain.
La superficie des espaces naturels (sols boisés, landes et friches essentiellement, mais aussi sols nus naturels et zones humides qui occupent 22,8 millions d’hectares, soit 40 % du territoire) reste relativement stable (+ 75 000 ha sur la période, soit près de 10 000 ha/an), sous l’effet de deux mouvements contradictoires. D’un côté, ils reculent face à la poussée de l’urbanisation (- 157 000 ha), de l’autre, ils gagnent des terres abandonnées par l’agriculture (+ 231 000 ha). Quant aux terres agricoles qui occupent plus de la moitié du territoire avec 28 millions d’hectares (51 %), elles ont perdu 566 000 ha sur la période, soit 70 000 ha/an, en moyenne, depuis 2006.
Après un pic de 83 000 ha entre 2006 et 2008, l’augmentation des surfaces artificialisées a eu tendance à se ralentir depuis. A l’origine de cette évolution, explique Agreste Primeur, la crise économique qui a fortement impacté la construction et freiné les projets d’infrastructures et de chantiers. Mais aussi les premiers effets des politiques publiques de préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers (lois Grenelle sur l’environnement et loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010, qui a créé l’Observatoire national de la consommation des espaces agricoles et les commissions départementales de la consommation des espaces agricoles).
L’artificialisation des sols entre 2006 et 2014 s’est faite pour les deux tiers aux dépens des terres agricoles. Un bilan qui s’explique par la géographie des différentes espaces agricoles et naturels. «On construit dans les plaines et en zone périurbaine, où l’agriculture domine, plutôt que dans les espaces difficilement accessibles tels que les massifs montagneux. Cette tendance est accentuée pour certains usages du sol : l’habitat individuel, les chantiers, les services publics et les activités industrielles se développent à plus de 70 % sur les terrains agricoles. Tandis que les réseaux routiers ou les infrastructures de sport et de loisirs s’étendent à part égale sur les espaces naturels et agricoles», expliquent les auteurs de l’étude.
Maisons individuelles
En termes d’utilisation du sol, l’habitat individuel est la première cause d’artificialisation des terres. Sur les 491 000 ha de terres artificialisées entre 2006 et 2014, 46 % ont été consommés par des maisons individuelles, avec leurs jardins et annexes, soit 228 000 ha. «Cette expansion est due à la croissance de la population qui a augmenté de 1,6 million de personnes entre 2007 et 2012, mais aussi du choix des ménages qui privilégient la maison individuelle», note Agreste Primeur. Arrivent ensuite les réseaux routiers responsables à eux seuls de 16 % des surfaces consommées pendant la période, soit 79 000 ha.
L’agriculture contribue également à l’artificialisation des terres, avec 40 000 ha dédiés à la création de nouveaux bâtiments, d’aires de stockage ou de chemins d’exploitation. Les chantiers et activités de construction pour le bâtiment et le génie civil ont consommé un peu plus de 30 000 ha, les sports et les loisirs presque autant, le commerce, les services un peu moins de 20 000 ha, et 10 000 ha pour les activités industrielles.
Géographiquement, l’artificialisation est à relier à l’évolution démographique de notre territoire. Elle est importante dans le quart sud-est (Bouches-du-Rhône, Var, Vaucluse), où l’urbanisation progresse fortement, comme en Haute-Savoie et l’Ain, sous l’aire d’influence de Genève. La progression de l’artificialisation est également importante dans l’ouest du pays, avec l’étalement des zones urbaines de Nantes, Rennes ou Bordeaux et, dans une moindre mesure, en région parisienne, faute de terres disponibles. En revanche, ces surfaces soustraites de l’agriculture s’étendent moins vite dans les départements à faible croissance démographique, ceux de la diagonale nord-est-sud-ouest, en particulier comme les Ardennes, l’Allier, l’Ardèche ou la Lozère, où l’évolution des sols artificialisés n’est pas significative.