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Les mesures d’accompagnement : revue en détail

© AAP

INTERVIEW

Laurent Titreville, directeur des marchés et des crédits, et Arnaud Pyckaert, responsable du marché de l’agriculture.
Les mesures d’accompagnement du Crédit agricole pour les éleveurs

Quelle analyse porte le CA sur la situation des éleveurs dans cette crise ?
La crise que traversent actuellement les éleveurs est une crise conjoncturelle en partie liée à une baisse des prix (déséquilibre de certains marchés mondiaux, une guerre des prix dans la grande distribution, une non répercussion de la volatilité des matières premières jusqu’au consommateur), mais aussi, en grande partie, liée à des charges et des contraintes diverses qui grèvent la compétitivité des élevages et de certains acteurs agro-industriels. Ce manque de compétitivité crée un cercle vicieux : rentabilité faible, donc investissement faible, donc peu d’innovation.
En tout état de cause, les comparaisons avec nos voisins et l’évolution des ratios depuis dix ans attestent qu’il ne s’agit pas d’une crise de l’endettement. Les exploitants des pays voisins sont plus endettés et les taux d’endettement des éleveurs en France (bovins lait et viande) sont restés inférieurs à 35 % depuis 2005.

On critique souvent l’accompagnement du banquier pendant ces périodes de crise. Que fait le Crédit agricole Brie-picardie pour le moment pour aider les éleveurs ?
En tant que banquier historique de l’agriculture, nous assumons notre rôle de partenaire de 80 % des agris et, nous renforçons notre présence territoriale (embauche de quatre conseillers Agri en CDI en sept, ouverture 5j/7 d’une nouvelle agence en zone rurale). La caisse régionale Brie Picardie continue à financer les projets des éleveurs de son territoire. Nos réalisations de crédits sur l’agriculture sont encore en hausse de +10 % cette année, au 30 sept. Ensuite, nous nous donnons une obligation de moyens pour accompagner le maximum de nos clients touchés par les difficultés. Nous avions déjà entamé des réaménagements de dettes en 2014, nous avons continué en 2015. Depuis le premier janvier et arrêté au 30 août ce sont 750 dossiers de prêts qui ont été réaménagés.

Vous participez à la cellule d’urgence mise en place par la préfecture depuis le 22 juillet. Comment pouvez-vous accompagner les éleveurs demandant une «année blanche» ?
Le premier principe reste l’étude au cas par cas. Toutes les exploitations sont différentes, un endettement structuré différemment, des projets différents, il faut donc adapter les solutions. De plus, il faut rappeler que toute restructuration «donne de l’air» immédiatement, mais augmente le coût des années futures. Il s’agit donc d’ajuster au mieux les solutions.
Le deuxième principe consiste à préserver l’avenir. L’agriculture est une industrie de cycle long qui nécessite de forts investissements de renouvellement. Il faut donc absolument préserver les capacités de renouvellement du matériel indispensable à l’élevage dans les années à venir. Il faudra concentrer les réaménagements sur les emprunts ayant financé des bâtiments, du foncier ou des agrandissements.
Le troisième principe consiste à rappeler que, depuis 2009, pratiquement tous les prêts mis en place par le Crédit agricole disposent de deux options qui permettent déjà de gérer des aléas. La première option est la modulation des échéances qui permet d’augmenter ou de réduire l’échéance de + ou – 30 %. La deuxième option est une pause crédit qui permet de reporter l’échéance d’une année (ou douze échéances mensuelles) sur les années suivantes ou en fin de crédit.
Le quatrième principe est de porter une attention toute particulière sur les récents investisseurs qui ont cru dans l’élevage et dans le potentiel de notre région. On ne laissera pas ces éleveurs au milieu du gué.
Pour conclure sur l’accompagnement des éleveurs, le Crédit agricole Brie Picardie tient aussi à accompagner les éleveurs qui ne sont pas déclarés en difficulté par la cellule d’urgence et proposera donc :
1. Pour les éleveurs laitiers :
Un prêt de trésorerie sur trois ans avec six mois de différé de 50 €/1000 l de contrat.
2. Pour les éleveurs de bovins viande :
Un prêt de trésorerie sur trois ans avec six mois de différé correspondant à 10 % du CA viande du dernier exercice.
Les éleveurs trouveront en agence auprès de leur conseiller toutes les modalités de ces accompagnements. Pour montrer, s’il le fallait encore, notre soutien, ces crédits seront faits sans frais de dossier.

Comme vous venez de le souligner, ces solutions sont pertinentes à court terme mais ne résoudront pas les problématiques de moyen terme.
En effet, à notre avis, cette crise est également structurelle. Il faut dès à présent se mettre autour de la table pour imaginer les modèles de demain. Les tendances de consommation, les habitudes alimentaires, les enjeux environnementaux, tout ceci est bien connu au niveau français, européen et mondial. Il faut donc traduire toutes ces tendances macro en pistes d’action pour l’agriculture de notre territoire. Soyons conscients de nos forces, de la valeur ajoutée qu’apporte l’élevage sur le long terme à notre région, mais montrons aussi clairement les efforts d’adaptation qu’il faut faire pour nous adapter au marché et aux évolutions sociétales.

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