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Louise Weiss, la grand-mère de l’Europe

Quatre engagements majeurs marquent la vie de Louise Weiss : l’Europe, la paix, le féminisme et le journalisme. Mais c’est surtout son combat pour le droit de vote des femmes qu’il faut retenir à la veille des prochaines élections européennes.



Le 5 mai 1935, Louise Weiss se présente symboliquement aux élections municipales de Montmartre. Elle est arrêtée par la police pour trouble à l’ordre public et le préfet de police lui demande «de mettre fin à ses incongruités sur la place publique». Il faudra de longues années de lutte pour que les Françaises obtiennent enfin, le 21 avril 1944, le droit de vote. Cette femme, qui débutera sa carrière de journaliste en 1915 sous un pseudonyme masculin (Louis Franc) au journal Le Radical, va traverser le siècle, convaincue qu’une Europe forte et unie est le meilleur rempart contre le retour de toute forme de guerre.

Pour une Europe nouvelle
Après la Première Guerre mondiale, comme beaucoup de jeunes de sa génération, elle est marquée par les milliers de morts et l’ampleur des destructions. Elle devient correspondante à Prague du journal L’Information. Ceci lui permet de rencontrer la nouvelle classe politique tchécoslovaque issue de l’indépendance du pays. Elle se rend également en Union soviétique où elle rencontre les principaux dirigeants. Initiée aux nouvelles conditions géopolitiques de l’Europe par ses amis tchèques et slovaques, Louise Weiss fonde en 1918, à l’âge de vingt-cinq ans, une revue de politique internationale, L’Europe Nouvelle. Les articles, rédigés par les plus grands noms politiques et universitaires, traitent des questions économiques, diplomatiques et littéraires.

Donner le droit de vote aux femmes pour éviter une nouvelle guerre
Louise Weiss s’intéresse aussitôt au droit de vote des femmes. Elle estime que l’accession des Françaises au suffrage permettrait d’empêcher une nouvelle guerre. En 1934, dans un contexte international défavorable à son combat en faveur de la paix (avènement du nazisme en Allemagne), elle quitte la direction de sa revue et prend contact avec les responsables des mouvements suffragistes afin d’établir un programme commun. Elle crée un mouvement de propagande «La Femme nouvelle», qui organise de nombreuses manifestations. Louise Weiss présente sa candidature symbolique aux élections municipales de 1935 à Montmartre, où elle transforme de manière ironique des cartons à chapeaux en urnes : plus de 18 000 bulletins de vote sont alors déposés en sa faveur.

Léon Blum lui propose un poste ministériel
Puis, aux élections législatives de 1936, elle se présente dans le 5e arrondissement de Paris. Le Front populaire les remporte et Léon Blum propose à Louise Weiss un poste ministériel à condition «que l’on ne parle plus du vote des femmes», ce à quoi Louise Weiss répond : «Je ne veux pas être désignée, je veux être élue.» Excellant dans la provocation ironique, elle mène avec les autres militantes de son association «La Femme nouvelle» des actions spectaculaires destinées à attirer l’attention de la presse : elles lâchent des ballons rouges, lestés de tracts, dans le stade de la finale de la Coupe de France de football ; elles distribuent aux députés des myosotis, fleur qui signifie symboliquement «Ne m’oubliez pas» ! Les sénateurs bloquent les évolutions de la législation en faveur des femmes, «en les renvoyant officiellement à leurs chaussettes».

Elue députée européenne à 86 ans en 1979
En 1940, Louise Weiss entre dans la Résistance sous le surnom de Valentine, et participe à la rédaction du journal clandestin Nouvelle République. Son combat se poursuit jusqu’au 21 avril 1944, date à laquelle l’ordonnance signée par le général De Gaulle élargit le droit de vote aux femmes. Un an plus tard, le 29 avril 1945, les femmes votent pour la première fois lors des élections municipales. En 1979, à l’âge de 86 ans, la militante est élue aux premières élections européennes au suffrage universel direct du Parlement européen sur la liste gaulliste. Lors de la séance d’ouverture, elle prononce, en sa qualité de doyenne, un discours où elle salue la mémoire des Européens qui l’ont précédée. Elle lance un appel à l’unité en déclarant : «L’Europe ne retrouvera son rayonnement qu’en rallumant les phares de la conscience, de la vie et du droit.» Rentrée dans le rang des députés de 1979 à 1983, elle est membre de la commission parlementaire Culture, jeunesse et sport. Elle imagine notamment la création d’une université européenne, envisage l’échange généralisé de professeurs ou projette de créer à Strasbourg un musée de l’idée européenne. Ainsi, beaucoup de réalisations de l’Union européenne portent sa trace. Louise Weiss décède le 26 mai 1983, à l’âge de 90 ans, en ayant pris soin d’écrire sa propre épitaphe : «Ci-gît Louise l’Européenne, Française du XXe siècle, une aristo prolo, une impie respectueuse, les femmes diront qu’elle a voulu faire l’ange, les hommes protesteront qu’elle a fait la bête

 

Louise Weiss en quelques dates

1893 : Naissance à Arras le 26 janvier. Sa famille paternelle est d’origine alsacienne
1918 -1934 : Fonde et dirige L’Europe Nouvelle, une revue hebdomadaire de politique française et internationale
1930 : Crée la Nouvelle Ecole de la Paix, un établissement libre d’enseignement supérieur destiné à soutenir l’action de la Société des nations (SDN)
1968 : Publie le premier tome des «Mémoires d’une Européenne»
1971 : Crée la Fondation Louise Weiss destinée à prolonger son action en faveur de l’unité européenne et des sciences de la paix
1981 : Fait don à la ville de Saverne de ses collections historiques et ethnographiques
1983 : Décède à Paris à l’âge de 90 ans.

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