Sécheresse et gelées : des impacts sur les cultures de la Somme ?
Une pluie qui se fait désirer, des températures descendues sous les 0°C en ce début avril, alors que bon nombre de champs étaient semés dans la Somme… Les cultures ont-elles souffert ?
Il fait sec. C’est un fait : Météo France a beau annoncer, régulièrement, des précipitations en région, le ciel ne nous délivre finalement que quelques gouttes. La Somme est pour l’instant préservée, mais nos voisins des Hauts-de-France souffrent du manque d’eau.
L’alerte sécheresse a été déclenchée dans le Nord le 9 avril, «en raison des faibles précipitations tombées cet hiver, engendrant un déficit pluviométrique de 20 % par rapport à la normale», indiquait la préfecture. De lourdes restrictions d’eau ont donc été imposées dans le département jusqu’à la fin du mois de juin. Pour les agriculteurs, cela signifie une interdiction d’irrigation entre 11h et 17h. Le Pas-de-Calais et l’Oise, eux, ont été placés en vigilance sécheresse, un seuil en-dessous de l’alerte, où particuliers et professionnels sont simplement incités à faire des économies d’eau.
Chez nous, 12,2 mm d’eau ont été relevés à la station Météo France d’Abbeville le 9 avril. Il s’agissait de la journée la plus pluvieuse, alors que la moyenne des précipitations s’élève à 56,5 mm les années précédentes pour le mois d’avril. En conséquence : «Nous observons une faible recharge des nappes de la majeure partie du bassin Artois-Picardie», relatait déjà la Dreal (Direction régionale de l’environnement) Hauts-de-France, au mois de mars. Seuls quatre piézomètres affichent un niveau proche de la moyenne ou modérément haut.
A titre de comparaison, sur quatorze des quinze piézomètres analysés, les niveaux piézométriques du mois de mars 2019 sont inférieurs aux niveaux piézométriques de mars 2018. La plupart des piézomètres montrent un niveau inférieur à la moyenne avec dix piézomètres ayant un niveau «modérément bas» (au centre et au nord-ouest du bassin) et un piézomètre avec un niveau «bas» (au nord-est du bassin).
La situation des cours d’eau est, elle aussi, hétérogène : «Plus de la moitié des stations (quinze stations sur vingt-quatre) montrent toujours des débits moyens mensuels inférieurs aux normales d’un mois de mars.» Les débits moyens mensuels sont aussi majoritairement inférieurs à ceux relevés en mars 2018, excepté pour l’extrême sud-est du bassin, et au niveau des stations de la Somme, à Ham. Ajoutez à cela quelques gelées de nuit. A la station d’Ailly-sur-Noye, le baromètre est descendu à - 3,7°C dans la nuit du 14 avril.
Les cultures épargnées
Quelles incidences ce manque d’eau et ces gelées ont-elles eu sur nos cultures ? «A priori, très peu, confie Philippe Touchais, chef de service productions végétales à la Chambre d’agriculture de la Somme. Les gelées n’ont pas été très fortes chez nous. Quant à la sécheresse, à part quelques blés un peu jaune ça et là, rien de très inquiétant.» Le spécialiste prévient tout de même : «Il ne faudra pas que ce temps sec se prolonge trop longtemps, car les réserves en eau sont moins rechargées que les années précédentes.»
En arboriculture fruitière, le gel est particulièrement redouté à cette période, puisqu’il s’agit de la pleine floraison. Si l’ampleur des dégâts est «difficile à évaluer, car évolutive», l’épisode est original sur deux points, indique-t-on à la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF). D’abord, les dégâts seraient très hétérogènes au sein même d’une région : «Les dégâts peuvent être très différents entre des vergers voisins, séparés de quelques kilomètres», explique la directrice de la FNPF, Stéphanie Prat à Agra Presse. Ensuite, l’épisode «était annoncé, ce qui a permis aux arboriculteurs d’être sur le qui-vive et, pour ceux qui en avaient les moyens, de mettre en place des mesures de protection».
Au verger du Colombier, à Suzanne, l’impact du gel ne semble pas avoir causé de grosse perte. Ce vendredi, Martin Noyon coupait quelques fleurs gelées, mais elles restaient minoritaires. «On constate un petit éclaircissage, mais rien d’affolant. Il est, de toute façon, trop tôt pour se prononcer.» La période de nouaison (les pétales de la fleur tombent et son centre se gonfle, pour former le fruit), d’ici deux ou trois semaines, donnera plus de précisions. Le verger du Colombier a l’avantage d’être bien orienté, sur un plateau. «D’autres auront peut-être plus souffert que nous…»
Quelles prévisions ?
Les agriculteurs doivent-ils encore craindre des gelées en plaine ? «A priori, jusqu’à la fin du mois, non», répond Régis Crépet, météorologue chez Meteo Consult, interrogé sur la chaîne météo. Une masse d’air qui remonte du sud provoque un redoux sur tout le pays. En revanche, il estime que ce risque «n’est pas encore tout à fait écarté pour ce printemps, car la France reste encore sous la récurrence anticyclonique, synonyme de nuits claires et dégagées, propices au gel. L’anticyclone se décale parfois et, en fonction de sa position géographique, il provoque la rotation des vents, soit au nord-est (donc frais), soit au sud-est (donc doux)». De nouvelles nuits fraîches sont donc à craindre début mai, puis peut-être aussi autour des fameux Saints de Glace, du 11 au 13 mai.
Conséquences sur le marché européen
Les cultures ne sont, pour l’instant, pas impactées par les conditions météorologiques particulières de ce printemps. Mais ce n’est pas le cas partout en Europe. La sécheresse affecte notamment l’Espagne et le sud-est du Vieux continent, a indiqué, le 15 avril, le service de prévisions de la Commission européenne, où «les déficits de précipitations persistants ont eu un impact négatif sur la croissance des cultures et les travaux».
Rendements en baisse
Les prévisions de rendement sont revues à la baisse pour l’est de la Croatie, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et la Grèce. De même pour l’Espagne, où «les niveaux d’eau dans les réservoirs sont toujours en deçà de leur capacité, ce qui pourrait éventuellement limiter l’irrigation des cultures d’été». La Commission européenne prévoit dans l’UE des rendements en blé tendre à 6,01 t/ha (- 0,5 % par rapport à mars), en blé dur à 3,42 t/ha (- 2,6 %), en orge de printemps à 4,16 t/ha, en orge d’hiver à 6 t/ha (- 0,3 %), en colza à 3,19 t/ha.
Les prix du colza, eux, étaient en hausse, le 15 avril, en milieu de journée, après des gelées en France le week-end dernier dans l’intérieur des terres qui pourraient avoir touchées les récoltes de colza. «Difficile néanmoins à ce stade de mesurer si impact il y a eu, et de quelle ampleur», indique le cabinet Agritel dans une note.