Teneur en protéines : le juste chiffre pour commercialiser les céréales
Les 17 et 18 juin derniers, Noriap organisait ses XXIe journées Optipro sur sa plateforme d’expérimentation, à Croixrault. Plus de 600 agriculteurs ont fait le déplacement.
Dany Barbier, ancien exploitant de betteraves, de pois, d’escourgeons, d’oléoprotéagineux, de blé et de colza, n’a jamais manqué les visites techniques organisées par Noriap depuis vingt-et-un ans. Pourtant, cela fait déjà dix ans qu’il a pris sa retraite, mais il a toujours l’agriculture dans la peau. «Il n’y a rien à faire. Je suis toujours connecté. J’aime tellement ça.» Désormais, c’est en compagnie de son fils, qui a repris l’exploitation familiale de 80 ha, à Montdidier, qu’il vient à ces visites techniques.
Malgré les années, son enthousiasme est toujours aussi vif. «Chaque année, j’apprends quelque chose. Ces visites nous permettent de nous remettre à niveau, de revoir tous les itinéraires culturaux, les nouvelles variétés et l’évolution des techniques. Ces visites sont incontournables, car elles nous mettent en éveil par rapport à nos pratiques.» Dany, comme tous les adhérents de la coopérative, vient surtout pour découvrir les nouvelles variétés de blé.
Nouvelles variétés de blé pour 2015
Chaque nouvelle variété est testée sur le site d’expérimentations de Croixrault, qui s’étend sur 7 ha. «Notre travail consiste à identifier et tester les nouvelles variétés pour améliorer le mixte rendement et teneur en protéines. Nous faisons aussi des recherches sur la fertilisation azotée, puis des essais sur l’interaction des variétés de blé et la fertilisation azotée. Notre objectif est d’identifier les variétés qui baissent le moins en protéines dans le cadre d’une fertilisation azotée plus contrainte», explique Philippe Pluquet, responsable technique productions végétales chez Noriap. Voilà pour le principe.
Concrètement, six nouvelles variétés de blé sont proposées pour les semis d’automne 2015. Pour les premiers semis, les «dernières nées» sont Triomph, RGT Tekno et Sherlock. Les trois sont classées en VO par la filière meunière. La première présente, selon Noriap, un «potentiel de rendement hyper important, mais une teneur en protéines encore moyenne», soit 95 % des témoins. Autre qualité : elle peut se semer sur tous types de terre. Il en est de même pour la seconde. Son potentiel de rendement est assez élevé en toutes terres, soit entre 104 et 105 % selon les essais. En revanche, cette variété est supérieure à la première en teneur en protéines, avec 97 à 98 % des témoins. Quant à Sherlock, elle peut se semer dès la fin du mois de septembre. Son cycle est tardif, son poids spécifique assez élevé, son potentiel de rendement fort et sa teneur en protéines, de l’ordre de 97 à 98 % des témoins. «C’est surtout un blé pour un sol limon, mais cela doit être encore confirmé dans les terres séchantes», souligne-t-il.
Pour les seconds semis, les nouvelles variétés de blé sont Auckland, Nemo et Oregrain, toutes classées BPS. Les deux premières présentent un fort potentiel de rendement. «Elles semblent adaptées à tous types de terre. Quant à leur teneur en protéines, elles sont élevées, voire très élevées, soit 102 % pour Nemo et 98,5 % pour Auckland, poursuit Philippe Pluquet. Avant d’ajouter : «Nemo présente cependant un gros défaut. Pour sa première année, il n’y en aura pas pour tout le monde. Quant à Oregrain, c’est une variété de semis tardif (après le 20 octobre), précoce à épiaison et à maturité. Elle ressemble beaucoup à Apache, qui est une référence dans nos régions, mais son rendement est supérieur, ainsi que son poids spécifique. En revanche, sa teneur en protéines est moindre, mais ce n’est pas gênant, puisqu’Apache a une teneur en protéines très élevée, soit au-delà de 11,5 %. Enfin, elle a une bonne tolérance à la fusariose et elle peut se cultiver en précédent maïs», commente-t-il.
La fertilisation azotée
Outre le choix d’une bonne variété pour obtenir une bonne teneur en protéines, deux autres éléments clés interviennent également : la météorologie et la fertilisation azotée. Si l’homme n’est guère maître du temps, il peut agir sur la fertilisation des sols. A ce sujet, le classement en zones vulnérables (une partie de la moitié est de la Somme l’est, la moitié ouest devrait suivre, ndlr) impose aux agriculteurs de déterminer un objectif rendement et d’utiliser un outil de pilotage dynamique de la fertilisation, en cas de dépassement de la dose prévisionnelle (cf. l’accord Gren).
L’enjeu de demain ? L’évolution des pratiques de fertilisation. Selon le responsable technique productions végétales chez Noriap, «sur les quatre apports en azote que nous proposons, nous préconisons l’usage de moins d’azote lors du premier apport, en reprise de végétation pour pouvoir en mettre plus à la fin». Ou même «faire l’impasse du premier apport sans changer la dose totale prévue. En mettant le paquet à la fin, on optimise le rendement et la teneur en protéines, ajoute Renée Prevost, agent technique commercial chez Noriap. Mais, c’est surtout vrai en bonnes terres».
Avec un bon usage de la fertilisation azotée, couplé à la variété de blé qui convient, les céréales ont toutes les chances de gagner en teneur de protéines. Si les expérimentations sont toutes orientées dans cette direction, ce n’est point un hasard. «Sur toutes les cultures, le choix variétal impacte fortement la qualité et l’accès aux débouchés. Sur le blé, il permet de répondre précisément aux cahiers des charges des industriels. Pour l’ensemble des débouchés de la coopérative, la production doit avoir une teneur en protéines idéalement de 11,5 % pour les débouchés meuniers et l’export, et de 10,5 % pour les débouchés biscuitiers», rappelle Jean-François Gaffet, président de Noriap. Y’a plus qu’à...
Noriap : chiffres clés
Effectifs : 3 500 coopérateurs actifs sur plus de 5 000
Collecte : 1,2 million de tonnes, dont 75 % de blé
Expérimentations : chaque année, 4 000 micros parcelles d’expérimentations sont dédiées aux variétés toutes espèces
Nouveauté 2015 : le pôle bio
Noriap est certifiée bio depuis 2011. «Entre l’évolution de la législation et une prise de conscience qui se fait jour au sein de la profession agricole, l’agriculture bio commence à se développer», note Céline Leeman-Broyer, secrétaire générale de Noriap. La mission de la coopérative, désormais mandatée par l’agence de l’eau dans le cadre de son appel à projet visant à développer le bio à partir des bassins de captage, est de valoriser l’agriculture bio.
Point d’intention d’inciter tous et toutes à se mettre au bio, mais plutôt d’offrir des outils techniques pour intégrer des pratiques bio dans les exploitations. Pour diminuer les adventices, Simon Lenoir, technicien grandes cultures à l’association Agriculture biologique en Picardie (ABP), propose en matière de désherbage d’augmenter les rotations de cultures, d’avoir recours au désherbage mécanique et de reconsidérer les itinéraires culturaux sur diverses céréales, notamment en semant un peu plus tard.
Sur la fertilisation, plutôt que d’acheter de l’azote, pourquoi ne pas essayer de le produire soi-même ? «Outre l’élevage, la production de légumineuses peut être aussi source d’azote. On peut semer avant ou après la récolte du blé des couverts végétaux et y introduire des légumineuses. Il faut savoir que les légumineuses captent l’azote atmosphérique», précise-t-il. Bon à savoir aussi, avec la PAC 2015, des aides sont prévues pour les légumineuses fourragères (150 à 200 €/ha) et les graminées fourragères (1 à 150 €/ha). De quoi gagner en efficience économique, agronomique et environnementale.
F. G.