Vingt ans d’une évolution impressionnante
Au cours des deux dernières décennies, la filière de la pomme de terre de conservation a profondément évolué, tant au niveau du produit que du marché, des structures commerciales.
Le Comité national interprofessionnel de la pomme de terre (Cnipt) que Jean-Luc Gosselin a dirigé pendant ces vingt dernières années, a joué un rôle majeur dans cette évolution. Il nous la rappelle à l’heure de sa retraite.
Durant vingt ans vous avez suivi l’évolution de la filière, vous l’avez accompagnée. Comment jugez-vous, aujourd’hui, le chemin parcouru par la pomme de terre considérée, il y a quelques décennies encore, comme une source alimentaire basique ?
Le chemin parcouru est impressionnant, même s’il faut un peu de recul pour en prendre vraiment conscience. Il est banal aujourd’hui de trouver une grande diversité de variétés, souvent de meilleure qualité gustative, de bel aspect, bien présentées dans des emballages pratiques et informatifs. Et même «micro-ondables», une vraie innovation. On en était bien loin il y a vingt ans. Les consommateurs ont suivi et sont restés très fidèles à la pomme de terre. Et d’une certaine façon, c’est ce modèle qui a été exporté, moins achevé, bien sûr, fondé sur la qualité et la segmentation. Ce qui a permis à la pomme de terre française de devenir leader en Europe. L’exportation est devenue l’un des piliers de notre marché, représentant bon an mal an, un débouché pour quelque 30 % pour la production.
Quelle a été dans le même temps, l’évolution de la filière et de l’interprofession ?
C’est parce que la filière a beaucoup évolué et progressé que ce changement a pu avoir lieu. Les producteurs cultivent des surfaces plus importantes, ce qui leur permet d’investir dans du matériel performant et des moyens de stockage modernes, mais aussi de mettre en œuvre des méthodes culturales de plus en plus respectueuses de la qualité sanitaire et de l’environnement.
Les centres de conditionnement sont aujourd’hui de vraies industries, capables de gérer une grande diversité de produits et de maintenir leur qualité. L’interprofession était là pour les accompagner, les faire profiter des connaissances accumulées, faire progresser les techniques avec Arvalis, veiller au respect des règles et promouvoir ces nouvelles pommes de terre auprès des consommateurs.
L’absence d’une organisation de marché a-t-elle nui à l’expansion de ce secteur ?
Non, bien au contraire. Les contraintes brident et les aides endorment. Dans un sens, la chance de la filière a été de devoir se débrouiller par elle-même, sans aides publiques. C’est pour cela qu’elle est devenue performante.
La pomme de terre de conservation est entrée dans une campagne qui s’annonce difficile en raison d’une offre pléthorique. Les conseils de modération, de la part du Cnipt entre autres, n’ont pourtant pas manqué au moment des plantations. Sans effet, semble-t-il ?
La filière paie ses succès. Ce que l’on a dit plus haut incite bien sûr les producteurs à augmenter leurs surfaces ou à entrer dans la production, d’autant que tout ne va pas si bien ailleurs. Il est nécessaire de redevenir à beaucoup plus raisonnable.
Les marchés ne sont pas extensibles. Cette année, les primeurs l’ont payé trop cher. La réflexion a commencé et l’interprofession ne restera pas inactive.
Quelles sont, à votre avis, les priorités qui s’imposent pour assumer la pérennité et la prospérité de cette production ?
La stratégie engagée il y a plus de vingt ans, fondée sur la qualité, la segmentation de l’offre et une communication audacieuse reste d’actualité, avec bien sûr les adaptations aux évolutions des marchés et de la société qui s’imposent.
Mais il est essentiel pour la poursuivre avec succès que la filière pomme de terre de consommation garde son autonomie de réflexion, de décision et d’action. Le produit et ses professionnels le méritent amplement.